Ce fut la première vedette du rugby professionnel français et en même temps le dernier trait d’union avec le rugby d’antan épris de liberté, d’audace et de malice. Le départ à la retraite de Frédéric Michalak marque la fin d’une époque et d’une certaine idée du rugby à la française.

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Retracer la carrière de Fred Michalak, c’est revisiter en accéléré l’évolution de l’ovalie ces 15 dernières années, et même un peu plus que cela.
Lui l’enfant d’Ancely a longtemps incarné le Toulouse dominant sur la scène domestique et continentale, le Stade au jeu chatoyant et craint, le fameux « jeu de mains jeu de toulousains », où dès que le ballon passait dans les mains des lignes arrières, les supporters stadistes frémissaient de plaisir et les visiteurs frissonnaient de peur.
Il y avait eu Deylaud, son idole, dans les années 90 et puis il y eut Michalak, même désinvolture, même nonchalance les bas baissés, et mêmes talent et coups d’œil balle en main.
Il symbolisait également un rugby enfantin, de bringues et de copains où les blagues de potache désinhibaient l’atmosphère lié à la pression grandissante du résultat. L’une des meilleures reste certainement le mur dressé en pleine nuit devant la maison de son coéquipier toulousain d’alors Xavier Garbajosa. Pour se venger de coquineries de vestiaires attribuées à Garbajosa, Michalak se souvint qu’il était fils de maçon. Une nuit, il se rendit devant la maison de Garbajosa et commença à monter un mur de cinq rangées, que Garba découvrit en ouvrant ses volets au matin !

La première icône du rugby pro français

Et puis avec la coupe du Monde 2003, le rugby a conquis de nouveaux territoires, de nouvelles audiences, et très rapidement Michalak, le beau gosse, en est devenu l’icône médiatique. Le premier rugbyman à faire la une des magazines people, à défiler pour de la haute-couture, à être invité sur des plateaux TV autres que Stade 2. Bref le rugby français avait sa star, sa tête de gondole pour séduire le grand public et recruter de nouveaux sponsors dans sa quête de professionnalisation.

Jamais Michalak n’avait aussi été brillant qu’en ces années 2003 à 2005, jamais il ne le fut autant par la suite. C’est le paradoxe de sa carrière. Son corps meurtri devint une des premières victimes des cadences du rugby pro : les blessures commencèrent à se succéder (cheville, épaule, genou, etc.), les phases de repos sacrifiés devant les enjeux croissant, et en conséquence les performances furent plus inconstantes jusqu’à déclencher les sifflets des tribunes parisiennes un après-midi de match de VI nations entre la France et l’Irlande.

Une polyvalence qui l’a desservi

Ce talent né ne fut pas aidé par sa polyvalence qui lui permettait de couvrir les postes de demi de mêlée et demi d’ouverture avec autant de brio. Etait-il meilleur en 9, cornaquant son paquet d’avants, ou en 10, évoluant en stratège de son attaque ? Ce fut la sempiternelle interrogation qui le suivit toute sa carrière, et malheureusement pour lui, au rugby pas de place pour un 9 et demi, le poste créé au football pour installer les talents-à-tout-faire comme Baggio, Djorkaeff et co.
Mais même chahuté en France, remplacé par Sébastien Chabal dans le rôle de l’ambassadeur grand public de l’ovalie,  Michalak ne recula jamais devant l’adversité, allant se mesurer à deux reprises à l’éprouvant Super Rugby de l’Hémisphère Sud, y gagnant même la Currie Cup, la compétition des provinces sud-africaines en 2008. Puis en rejoignant l’armada toulonnaise qui régna sur l’Europe ces dernières années.
Et devint à force de travail un buteur des plus réguliers, étant même depuis 2015 le meilleur réalisateur de l’histoire du XV de France avec 436 points.

Au-delà de ce record de points, de ses 77 capes en bleu, de ses 13 titres remportés tout au long de sa carrière, la retraite de Frédéric Michalak sonne comme la fin d’un rugby où le crochet intérieur et le cadrage débordement avaient encore voix au chapitre, où les joueurs osaient sortir des schémas établis avant le 20ème temps de jeu, où le génie avait encore un peu de place pour créer. Bref avec la retraite de Fred Michalak c’est le peu de French Flair qui nous restait qui s’en va.

Au revoir l’artiste et merci pour ces bons souvenirs laissés à mon épouse qui était fan du jeune Michalak débutant, à mon père qui a gardé longtemps la VHS de la finale 2001 entre le Stade et Clermont, et à moi qui n’ai jamais joué au rugby mais qui ai su l’apprécier grâce à ces fulgurances et ces tours dignes d’un magicien.

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