Monuments du football français, l’Olympique de Marseille et les Girondins de Bordeaux connaissent une période tourmentée en coulisses. Crainte du départ de l’entraîneur du renouveau d’un côté, conflit larvé entre supporters et dirigeants de l’autre, les anciens rivaux des années 80 sont dans le dur. Décryptage.

A Marseille le départ de Zubi sème la zizanie !

Malgré une très belle deuxième place obtenue en championnat synonyme de qualification en Ligue des Champions pour la première fois depuis 2013, l’intersaison s’annonçait agitée sur la Canebière. Il faut dire que les finances de l’OM sont exsangues en raison notamment d’une masse salariale vertigineuse (127M€ lors de la saison 2018-2019) héritée en grande partie de la gestion calamiteuse du duo Eyraud-Garcia. Et la fin prématurée de la saison de Ligue 1 entraînant le non paiement des dernières échéances des diffuseurs TV n’a rien arrangé à la précarité de la situation économique du club phocéen.

Marseille : emmenée par un grand Dimitri Payet, l'OM a terminé à une très belle 2ème place au classement
Emmenée par un grand Dimitri Payet, l’OM a terminé à une très belle 2ème place au classement ©Maxapp

McCourt ne veut plus mettre au pot

Jusque-là, la direction olympienne pouvait compter sur les dollars de son propriétaire Franck McCourt pour rétablir ses comptes. Mais l’ex milliardaire américain qui a déjà déboursé 350M€ dans l’aventure marseillaise, a décidé de dire stop à la folie dépensière des dirigeants en place. Déjà dans le collimateur de l’UEFA dans le cadre du fair-play financier, l’OM se voit donc obligé de réduire son train de vie au moment où il retrouve son lustre sportif. Terrible paradoxe.

Marseille : le propriétaire américain Franck Mc Court, en discussion avec le président délégué Jacques-Henri Eyraud,  souhaite réduire le train de vie dépensier de l'OM
Le propriétaire américain Franck Mc Court, en discussion avec le président délégué Jacques-Henri Eyraud, souhaite réduire le train de vie dépensier de l’OM ©foot01.com

Enlisé dans la négociation qu’il mène pour faire accepter une baisse de salaires à son effectif, le président délégué Jacques-Henri Eyraud a pris une première décision forte jeudi dernier en décidant de se séparer d’Andoni Zubizarreta. Le bilan de l’ancien gardien du Barça à la tête de la direction sportive est pourtant loin d’être infamant : finale de Ligue Europa en 2018, qualification en C1 cette année, des coups assez tranchants sur le marché des transferts (Luiz Gustavo, Caleta-Car, Rongier, Gonzalez notamment) bien que ternis par le couac Mitroglou, en plus de tout son travail de persuasion pour attirer André Villas-Boas l’été dernier.

Les reproches d’Eyraud se concentrent majoritairement sur les faibles cessions de joueurs réalisées depuis deux saisons, qui n’ont pas permis à l’OM d’équilibrer ses comptes. Dans cette mission, on ne peut pas dire que le N+1 Eyraud ait facilité la tâche du N-1 Zubi, les généreux salaires distribués par la présidence (plus de 200 000€ en moyenne par mois dont 500 000€ pour le décevant Strootman et 180 000€ pour le plagiste Sertic) n’ayant pas fortement incité certains membres de l’effectif à quitter le soleil méditerranéen pour d’autres contrées.

Départ en vue pour Villas-Boas ?

Le départ du Basque n’aurait toutefois pas provoqué de tremblement de terre s’il ne jetait pas un gros trouble sur l’avenir marseillais de l’architecte du renouveau, André Villas-Boas. Déjà crispé par le peu de visibilité accordée par Eyraud pour assurer la compétitivité de son équipe la saison prochaine, l’entraîneur portugais a toujours lié son avenir sur la Vieux-Port à celui du directeur sportif espagnol. Zubi partant, ABV se pose de profondes questions sur son futur à la tête d’un groupe qui pourrait perdre quelques-uns de ses meilleurs éléments pour renflouer les caisses. Le poumon Morgan Sanson est régulièrement annoncé en Angleterre, tout comme la jeune pépite Boubacar Kamara, qui est également suivie par le PSG…

Un départ de l’ancien technicien de Porto et Chelsea serait très mal vécu par les supporters de l’OM qui, reconnaissants de leurs futures retrouvailles avec les grandes soirées européennes, l’adulent. Ainsi que par le vestiaire phocéen, de nouveau épanoui après la dernière saison cauchemardesque vécue avec Rudi Garcia.

Marseille : les supporters marseillais craignent le départ de l'entraîneur du renouveau, André Villas-Boas
Les supporters marseillais craignent le départ de l’entraîneur du renouveau, André Villas-Boas ©AFP-Gérard Julien

Le bateau provençal tangue donc sérieusement alors que le mercato estival n’a pas encore débuté. Sous le feu des critiques, Jacques-Henri Eyraud n’a plus le choix. Il va devoir jouer au plus fin pour conserver son technicien et améliorer dans le même temps une situation financière bien délicate. A moins que la fortune du prince saoudien al-Walid Bin Talal ne vienne mettre fin au vaudeville marseillais…

A Bordeaux, c’est O.K. Corral !

Jadis paisible, la cité aquitaine est devenue cette saison le théâtre de règlements de comptes en série entre d’un côté supporters et dirigeants, et de l’autre entre ancienne direction sportive (époque M6) et nouvelle équipe technique nommée par les propriétaires américains du club au scapulaire. Des événements qui surviennent après une nouvelle saison décevante sur le terrain (12ème cette saison, 14ème l’an passé) qui a confirmé la dégringolade sportive des Girondins, champions de France en 2009 et très longtemps habitués aux places européennes.

Les Bordelais peinent en effet à suivre l’essor de clubs avec lesquels ils étaient habitués à lutter pour jouer le haut de tableau. Sans parler du quatuor PSG-OM-OL-Monaco, les outsiders Rennais, Niçois et Lillois ont semé leur rival du Sud-Ouest qui a progressivement glissé dans le ventre mou de la Ligue 1.

Bordeaux : champions de France pour la dernière fois en 2009, les Girondins de Bordeaux ont progressivement glissé dans le ventre mou de la Ligue 1
Champions de France pour la dernière fois en 2009, les Girondins de Bordeaux ont progressivement glissé dans le ventre mou de la Ligue 1 ©Maxapp

Pourtant, la vente du club par M6, propriétaire depuis 1999, au fonds d’investissement GACP (General American Capital Partners) en 2018 pour 100M€ avait suscité un regain d’espoir en Gironde. Le conservatisme ambiant allait laisser place à un nouvel élan salvateur. Hélas, moins de 2 ans plus tard, le soufflé est si vite retombé que jamais le placide Jean-Louis Triaud, à la tête du club 21 ans entre 1996 et 2017, n’a été autant regretté.

La parution des Girondins Leaks met le feu aux poudres

Son dernier successeur en date, Frédéric Longuépée, est devenu la cible préférée des virages bordelais depuis de longs mois, et cette semaine le torchon a fini par brûler entre les deux parties. Exaspérés tout au long de la saison par la gestion sportive et des tribunes menée par leurs dirigeants, le groupe des Ultramarines a publié cette semaine des enregistrements mettant en cause les pratiques de la direction du club. Ces « Girondins leaks » ont pour objectif de révéler selon les Ultramarines la véritable stratégie opérée par le propriétaire américain King Street (qui a racheté le club au fonds GACP cet hiver).

Y sont évoqués pêle-mêle la fin de la « charité » avec les clubs amateurs locaux, les stratagèmes pour convaincre la DNCG, l’autorité de contrôle financier de la Ligue, de valider le budget présenté alors que le club est largement déficitaire (26M€ de pertes lors de la saison 2018-2019), ainsi que les critiques formulées à l’égard d’anciens joueurs (Dugarry, Trémoulinas, Obraniak) jugés hostiles à la nouvelle politique du club. La réaction du président Longuépée ne s’est pas faite attendre, réfutant les attaques orchestrées, et menaçant ses auteurs de possibles poursuites judiciaires.

Le climat, pesant, est devenu délétère et les coups ont peu de chance de cesser de pleuvoir entre les deux camps.

Bordeaux : le groupe de supporters des Ultramarines réclame depuis le début de la saison le départ du président délégué Frédéric Longuépée
Le groupe de supporters des Ultramarines réclame depuis le début de la saison le départ du président délégué Frédéric Longuépée

En interne aussi, la crise couve

Et pour ne rien arranger, comme révélé par RMC, dans les coulisses sportives se joue dans le même temps une guerre d’influence entre la précédente direction sportive avec, à sa tête, Ulrich Ramé, ancien gardien international des Girondins, et la nouvelle direction technique pilotée par l’Espagnol Enrique Macia.
Ecarté de toutes les tractations concernant les transferts de joueurs, Ramé essaierait de revenir sur le devant de la scène alors que les méthodes de son successeur sont pointées du doigt. Macia ferait notamment appel pour réaliser des achats ou des ventes de joueurs à plusieurs intermédiaires non mandatés n’ayant pas le droit d’exercer en France.

Par ricochet, ce conflit n’a pas laissé indemne l’entraîneur des Girondins Paulo Sousa, dont on a appris que le contrat avait été retoqué par la LFP car intégrant une clause qui lui aurais permis de toucher un pourcentage sur la vente de chaque joueur… Ce qui aurait été du jamais vu…
Bref le navire bordelais prend l’eau de toute part et on ne voit pas bien comment l’avarie pourra être colmatée.

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Photo Une ©Nicolas Vallauri