A l’heure du reconfinement et de la recherche de lectures pour meubler les soirées, vous ne pouvez pas passer à côté de l’autobiographie d’Arsène Wenger, Ma vie en rouge et blanc. Je connaissais peu ou mal le personnage et j’ai adoré. Un ouvrage captivant, retraçant une vie dédiée au football, aux joueurs et à la quête perpétuelle de la performance. A dévorer !
A la découverte de Wenger
Pour commencer, je dois avouer que je n’étais pas un grand connaisseur d’Arsène Wenger malgré ses succès à la tête des Gunners d’Arsenal. Pour une raison élémentaire : je suis tombé ado dans la marmite de Manchester United poussé par mon idole d’alors le King Canto. La personnalité du chef de la principale opposition à la domination des Fergie Boys au tournant des années 90 et 2000 m’importait alors peu.
Tout ce que je lisais, voyais ou entendais jusqu’à présent sur le manager alsacien me renvoyait à cette époque des duels acharnés Manchester-Arsenal, Red Devils-Gunners, Ferguson-Wenger, Keane-Vieira, Van Nistelrooy-Henry etc… Les affrontements y étaient homériques, MU a souvent fait la différence dans le sprint final (13 titres de champion entre 1993 et 2013) mais Arsenal était un rival tenace même impertinent en osant aligner Outre-Manche une équipe sans joueur britannique.
Si Sir Alex a fini par prendre une retraite enfin paisible, Wenger a, lui, continué de résister vaillamment à la nouvelle concurrence des Chelsea, Manchester City, Tottenham et Liverpool, économiquement bien plus armés. Jusqu’à ce que les résultats sportifs ne commencent à s’essouffler et que le board américain d’Arsenal ne décide de mettre fin à l’ère du technicien français au printemps 2018.
Un passionné du ballon rond, en quête permanente d’excellence
Dans Ma vie en rouge et blanc, sa première autobiographie, Arsène Wenger se dévoile sous un visage auquel je n’avais pas été auparavant sensible.
De sa jeunesse rurale au fin fond de l’Alsace à labourer les champs et traire les vaches, au crépuscule londonien en passant par Cannes, Nancy, Monaco et Nagoya au Japon, l’entraîneur livre un récit captivant de sa vie de passionné du ballon rond, toujours en quête de perfectionnement et d’excellence, avec en fil rouge la haine viscérale de cette défaite qui le blesse tant.
Les anecdotes y sont nombreuses et truculentes : des transferts négociés sur les aires d’autoroute aux premiers pas difficiles de George Weah à l’AS Monaco ; des défaites la veille de Noël qui gâchaient ses fêtes de fin d’année aux nuits passées sur son modeste canapé à enchaîner le visionnage de cassettes VHS pour superviser inlassablement joueurs et adversaires ; de ses regrets quant à la blessure en 2002 d’un Robert Pirès alors à son sommet à sa fierté d’avoir révélé Koscielny ou Giroud.
Pendant 40 ans Wenger a mené une vie d’ascète dans une seule quête : la performance. La performance sportive qu’il a toujours liée et conditionnée au joueur, l’acteur roi au cœur du jeu. Un joueur qu’il a voulu rendre en permanence le plus compétitif possible, prenant en compte tous les paramètres techniques, physiques, psychologiques, privés et même sociétaux comme les réseaux sociaux qui le starifient à ses yeux de plus en plus vite et l’isolent du reste du vestiaire. L’Alsacien a passé sa vie à la recherche continue et obsessionnelle de l’excellence, 24 heures sur 24.
Arsenal, l’amour de sa vie
Bien entendu Wenger consacre une grande partie de son récit à son Arsenal qu’il a rejoint en 1996, accueilli par le fameux « Arsène Who ? » des tabloïds britanniques très sceptiques sur sa nomination.
Il aurait pu se livrer, à l’instar de beaucoup de ses confrères, à une narration enivrée de ses glorieux succès, notamment la saison 2003-2004 des Invincibles, à sa fierté d’avoir infléchi l’opinion des suiveurs à son égard. Mais l’ancien manager des Gunners a préféré consacrer davantage de temps à relater la deuxième partie de son ère à la tête d’Arsenal, celle pourtant où seules des victoires en Cup sont venues garnir l’armoire à trophées de Canonniers.
C’est la partie du livre la plus captivante. Au milieu de la décennie 2000-2010 Wenger est alors devenu le directeur d’un nouveau projet ambitieux ayant pour dessein d’assurer la pérennité sportive d’Arsenal. Le légendaire Highbury a cédé la place au flamboyant Emirates Stadium, les investissements financiers ont été colossaux et les contraintes économiques associées très rigoureuses avec notamment une masse salariale encadrée alors qu’elle explosait dans les clubs rivaux. L’Alsacien a été obligé de reconstruire en permanence un effectif dont les cadres les plus aguerris n’avaient plus la patience d’attendre la rentabilisation des investissements pour gagner des titres.
Ces défis de réussite sportive, financière face à une concurrence accrue, l’Alsacien les a relevés longtemps avec succès jusqu’à ce que pour la première fois en 2017, après 19 qualifications consécutives il ne parvienne pas à qualifier Arsenal en Ligue des Champions. La première fois, la fois de trop puisque dès l’année suivante les propriétaires américains décideront de mettre fin aux 22 ans de son règne londonien.
Et maintenant quelle suite ?
Dans cette autobiographie où le technicien n’élude aucun sujet dont les ombres sur la domination de l’OM au début des années 90, on perçoit un vide soudain, brutal, déchirant depuis le départ d’Arsenal. La blessure est tenace, la cicatrice douloureuse et même si l’Alsacien est à la tête depuis l’an passé de la Direction du football mondial de la FIFA, on l’imagine prêt à replonger pour un dernier défi, un ultime édifice à monter. A la tête d’une sélection nationale comme la rumeur en fait fréquemment l’écho ? Le quotidien du terrain continuerait probablement de trop lui manquer.
Alors où ? A chacun de se faire son idée du projet qui puisse embarquer ce fou de foot pour une dernière étape d’une existence dédiée au ballon rond !
Arsène Wenger, Ma vie en rouge et blanc, Editions JC Lattès