Après avoir toujours voulu sauvegarder l’idée que le rugby ne deviendrait jamais réellement professionnel, qu’il serait protégé ad vitam aeternam par ses fameuses valeurs de collectivité et de solidarité, voici que le masque est enfin tombé avant même que la saison 2016-2017 n’ait connu son dénouement.
On pensait avoir tout vu, tout connu ces derniers mois de la fusion devenue grande confusion entre le Racing et le Stade Français aux benêts consommateurs de cocaïne à la sortie des boîtes de nuit parisiennes, en pensant par l’inquiétante opacité au sujet des grandissantes commotions cérébrales, sans oublier la valse soutenue des entraineurs à Toulon, les caisses vides à Toulouse ou l’épisode des compléments alimentaires chez les champions de France en titre… Bref tout de l’annus horribilis guère réévaluée par l’élection à la présidence de la FFR du touche-à-tout Bernard Laporte et de son fidèle, le docteur es mêlées et coups bas, Serge Simon.
Mais non, le plus fort était à venir, le fond n’avait été pas encore atteint !
L’estocade est venue cette fois-ci de Montpellier du milliardaire président Mohed Altrad. Certainement vexé d’avoir été privé une nouvelle saison du bouclier de Brennus, une des rares conquêtes qu’il ne peut acheter, qui plus est par l’équipe d’un autre membre de la confrérie des très grandes fortunes (défaite 13-22 face au Racing présidé par Jacky Lorenzetti), le chef d’entreprise héraultais a tout simplement décidé de mettre fin unilatéralement aux contrats de 6 joueurs du club montpelliérain (Tchale-Watchou, Battut, Qera, Spies, O’Connor et Michel). Ce que dans le milieu de l’emploi on qualifie tout bonnement de licenciements.
Licenciés pourquoi ? Pour contre-performance lors de la défaite face au Racing, alors que seuls 3 des 6 joueurs étaient sur le pré ? Pour ne pas avoir exaucé les attentes du boss qui a oublié que le rugby reste un jeu, un sport qui ne répond pas qu’à une logique économique ? Ou enfin comme classiquement dans un club de football quand il faut libérer de la place pour accueillir de nouvelles recrues (telles Louis Picamoles dont Altrad est en train de racheter le contrat à prix d’or aux anglais de Northampton) ?
Bref tout cela n’est pas de bonne augure et témoigne que le rugby professionnel est en train de se normaliser et de se rapprocher dangereusement des us et coutumes de son grand frère au ballon rond.
Le silence assourdissant de la Ligue et de la Fédération n’arrange rien à l’affaire alors que le vice-président de la FFR, Serge Simon, a été à la tête de Provale (le syndicat des joueurs professionnels de rugby) de 2000 à 2006 puis de 2012 à 2014. Le même Simon qui déclarait il y a quelques années que « nous nous tirons une balle dans le pied si nous voulons copier le foot ».
Sans doute que les quelques millions d’euros versés par le groupe Altrad pour être le premier sponsor maillot du XV de France lui ont fait oublier ses combats humanistes d’hier et ont fini par provoquer son silence.
Jadis sport des clochers et fierté locale des sous-préfectures, le rugby est devenu la maîtresse des grands argentiers. Heureusement il reste son enfant, ce ballon ovale qui continue de rebondir, capricieux et indomptable à toutes les pressions, même des plus riches. Ouf on est sauvé pour quelques temps encore !
Crédit photo : Midi Libre