En attribuant les droits TV de diffusion de la Ligue des Champions à Canal Plus et à beInSports pour les saisons 2021 à 2024 , l’UEFA a de nouveau rabattu les cartes dans l’audiovisuel sportif. Avec des montants records à la clé (375 millions d’Euros par saison) qui ne présagent rien de bon pour les téléspectateurs et pour les chaînes qu’elles soient élues ou vaincues.
Canal +, de retour de l’enfer
Boudée par les jeunes qui lui préfèrent Netflix et privée à partir de la saison prochaine de la Ligue 1, la chaîne cryptée jouait très gros avec l’appel d’offres de l’UEFA. Soit elle revenait dans le jeu en gagnant le droit de rediffuser l’épreuve européenne reine, dont elle avait perdu les droits au profit de RMC Sport en 2018, soit elle encaissait un nouvel uppercut dans sa stratégie de reconquête d’abonnés après avoir vu partir un million de clients entre 2016 et 2018. Canal s’en sort donc bien en obtenant la retransmission de la rencontre de son choix le mardi et le mercredi.
C’est un ouf de soulagement pour la chaîne du groupe Bolloré qui devra toutefois traverser une nouvelle zone de turbulence ces 18 prochains mois. En effet, en dehors du championnat anglais, la chaîne dirigée par Maxime Saada ne proposera plus de football à ses abonnés avant la saison 2021-2022 et devra subir à partir du printemps prochain l’arrivée de la plateforme Disney+ qui devrait séduire les plus jeunes et leurs parents.
La fin pour RMC Sport ?
Nouvelle venue sur la scène des diffuseurs d’événements sportifs il y a à peine quinze mois, RMC Sport a quasiment tout perdu hier suite à la décision de l’UEFA de lui préférer le duo Canal-beIN. Il faut dire que la stratégie du groupe Altice (propriétaire de SFR et de RMC Sport) d’acquérir des contenus (notamment le foot, produit le plus populaire) pour séduire des abonnés telecom sur SFR s’avère extrêmement coûteuse.
Si Altice revendique 2 millions d’abonnés pour RMC Sport, cette conquête s’est faite à prix très fort (315 millions d’Euros payés par an pour la diffusion de la C1 entre 2018 et 2021) et est loin d’être rentabilisée (200 millions d’Euros de pertes estimées par an). L’avenir s’annonce donc très incertain pour la chaîne sport du groupe de Patrick Drahi, qui devra se contenter en théorie à partir de 2021 de matches du championnat anglais co-diffusé avec Canal +.
Mediapro déjà en sursis ?
L’horizon s’est également obscurci pour Mediapro, le futur diffuseur de la Ligue 1 à partir de l’été 2020. Prétendant aux droits de retransmission de la Champions’ League, le groupe espagnol révait de proposer le combo magique L1 et C1 à ses abonnés français. De quoi à la fois animer sa grille de programme toute la semaine et justifier le montant d’un abonnement proche de 25€ par mois à ses futurs clients. Avec le seul championnat hexagonal dans son offre, son pouvoir de séduction en est devenu très restreint.
Des montants records mais sans équilibre économique
Si le verdict de l’UEFA fait son lot d’heureux et de malheureux, il confirme également que le football est devenu un produit spéculatif dont la bulle est toujours plus proche d’exploser. Les 375 millions d’Euros que verseront par an Canal + et BeinSports pour la C1 s’ajouteront au futur 1,15 milliard d’Euros de Mediapro (avec Bein et Free) pour la Ligue 1, soit quasiment 1,5 milliard d’Euros dépensés par an en montant d’acquisition pour les deux principales compétitions de foot !
Ce montant est à la fois insensé (il représente 50€ par an par ménage français !) et sans aucune possibilité de rentabilité pour ses acquéreurs. Les accros de foot ne sont pas en mesure de suivre cet emballement, leur revenu moyen est très loin de suivre cette folle inflation et ne leur permet pas de s’abonner à tous les diffuseurs. Le report se fait alors sur Internet avec le développement du piratage, ce qui affaiblit les efforts de conquête des diffuseurs et leur objectif à terme de rentabilité.
Les chaînes semblent à terme dans une impasse en cherchant avant tout à valoriser leur investissement dans une logique de retenir leur base d’abonnés plutôt que de payer les compétitions à leur juste prix.
Et dans une version encore plus noire, elles finiront par un jour avoir face à elle des GAFA, comme Amazon ou Facebook, qui auront des moyens encore plus illimités et qui continueront leurs stratégies de mainmise sur nos consommations. Pauvres de nous…