Il y a quelques jours Arsène Wenger a fêté ses 20 ans à la tête d’Arsenal. A l’instar de notre génération qui disait il y a une quinzaine d’années qu’à chaque élection présidentielle ils avaient vu Jacques Chirac se présenter, nos plus jeunes lecteurs n’ont, eux, connu que l’Alsacien sur le banc des Gunners ! A une époque où les résultats de chaque entraineur sont analysés sur une échelle temps toujours plus brève, cet anniversaire ne peut qu’être salué, même par votre rapporteur qui lui a toujours préféré les Red Devils de Sir Alex Ferguson.
Cette célébration a également le mérite de rouvrir le débat sur la délicate mesure de la performance du manager, de plus en plus starisé ou fragilisé selon les résultats de l’équipe dont il est en charge. Au Café des Sports ouvre la discussion et donne son verdict… ouvert à tous vos commentaires.
Durer pour marquer les esprits
Parmi les premiers critères de mesure de la performance, la longévité apparait comme un indicateur pertinent. Un entraineur qui dure est un entraineur performant. Outre Arsène Wenger, on pense naturellement à Sir Alex Ferguson (27 ans à la tête de ManU) ou à Guy Roux (40 saisons à la tête d’Auxerre). Oui on peut rétorquer que ce sont à la fois des exemples passés et qui font figure de valeurs aberrantes alors que la durée moyenne de longévité des entraîneurs dans le big five (France, Angleterre, Espagne, Italie, Allemagne) est à présent de 12 mois ! Mais les amateurs de foot que nous sommes les conservent en mémoire car la fidélité d’un entraineur à son club et réciproquement du club à son manager fait partie de notre histoire personnelle avec le ballon rond.
Le supporter historique des Verts pensera instantanément à Robert Herbin, celui de Nottingham Forrest à Brian Clough, celui de Lorient à Christian Gourcuff, ainsi de suite.
Est-ce que l’on se souvient d’un entraineur de passage même victorieux ? Très peu, on pourra toujours prendre le contrepied avec l’exemple de Raymond Goethals à l’OM qui, en 3 passages de moins de 10 mois chacun sur le banc phocéen, a marqué à jamais les supporters marseillais. Mais bon il faut dire qu’à Marseille les années passées comptent triple vu le défilé incessant des entraineurs et même des présidents !
Gagner des titres
A l’heure où la data (et même la big data !) est omniprésente, compter le nombre de titres obtenus, les pondérer suivant qu’ils soient internationaux, continentaux ou nationaux, et qu’ils soient sous la forme de championnats ou de coupes remportées, fait bien entendu sens.
Un jour quelqu’un fera t-il mieux que Sir Alex avec ses 13 titres de champions d’Angleterre en 27 saisons (soit quasiment 50% de réussite) ? Cela parait improbable. Mais est-il forcément le meilleur manager au niveau européen ? Non pourrait-on arguer puisqu’il n’a remporté que 2 champions’ league alors que Carlo Ancelotti en a remporté 3 !
A ce jeu-là, Roberto Di Matteo tout fraichement évincé de Aston Villa mais vainqueur de la C1 avec Chelsea en 2012 est-il un manager plus performant que Wenger qui ne l’a encore jamais gagné ? Certainement pas.
Juger uniquement à l’aune du palmarès semble donc ardu d’autant que dans l’économie du football actuel un président de club préférera une 3ème place synonyme de sésame pour la lucrative Champions’ League à une victoire dans une Coupe nationale… Damned !
Réussir à exporter son savoir
C’est bien le principal changement depuis le début du XXIème siècle : les managers ont un plan de carrière et sont de plus en plus désireux de confronter leurs idées et leurs méthodes à différents challenges. De même les riches propriétaires de clubs, de plus en plus pressés de remporter des titres, préfèrent confier les clés de leurs équipes à des entraineurs chevronnés qu’ils jugent à même de garantir compétitivité sportive et attractivité médiatique. Ainsi les propriétaires qatari du PSG n’avaient pas hésité à évincer Antoine Kombouaré, pourtant en tête du championnat à la trêve hivernale, par Carlo Ancelotti, valeur (très) sûre du coaching continental.
Imposer sa méthode et obtenir des résultats en dehors de ses frontières n’est pas donné au premier venu. C’est même la trace des plus grands à l’image de Mourinho, champion dans 4 pays différents (Portugal avec Porto, Angleterre avec Chelsea, Italie avec l’Inter et Espagne avec le Real), d’Ancelotti qui a déjà gagné en Italie, en France et en Espagne et qui cette année passe au révélateur de la Bundesliga et enfin Guardiola victorieux au Barca et au Bayern, et qui a pris en charge les destinées de Man City.
D’autres s’y sont cassés les dents et essaient depuis de relancer leur carrière à l’image de Villas Boas qui, après avoir brillamment réussi à Porto, a ensuite échoué à Chelsea et à Tottenham.
Tirer le meilleur de son effectif
D’aucuns diront qu’il est bien plus facile de réussir à la tête du Barca ou du PSG qu’aux rênes de Eibar ou du Toulouse FC. C’est pourquoi il est nécessaire de mettre en rapport les moyens alloués et les résultats obtenus. Des entraineurs ont ainsi connu des résultats étonnants avec des effectifs et des budgets étriqués. Ainsi « coach Vahid (Halilhodzic) » a amené le LOSC de la Ligue 2 à la Champions’ League en 2 ans au tournant des années 2000, Jocelyn Gourvennec a permis à Guingamp de passer du National à la Ligue 1 et de s’y stabiliser, ou encore Pascal Dupraz a permis au TFC de garder l’an passé sa place dans l’élite malgré un retard qui paraissait irréversible.
La tentation pour ces techniciens peut être ensuite d’assouvir leur ambition en rejoignant une plus grosse écurie. Coach Vahid n’a pas passé ce cap au PSG, Gourvennec s’y essaie cette saison à Bordeaux tandis que Christian Gourcuff n’a (encore) jamais eu la possibilité de s’y confronter.
C’est pour cela qu’on est tous curieux des prochains choix de carrière de Diego Simeone qui, année après année, optimise toujours plus le potentiel de son effectif jusqu’à en faire à présent un sérieux prétendant sur la scène espagnole et européenne. Quelle sera son orientation : continuer à installer l’Atletico Madrid parmi le gotha européen avec un budget inférieur aux très grosses cylindrées ou rejoindre un big 4 anglais avec des moyens supérieurs ?
A l’heure d’établir une conclusion, aucun des critères déclinés ne fait l’unanimité pour désigner une hiérarchie des managers les plus performants. Sir Alex Ferguson a allié longévité et palmarès très nourri, José Mourinho a gagné dans tous les pays où il a entrainé, Carlo Ancelotti a gagné 3 Champions’ league, Simeone a déjà disputé 2 finales de C1 avec l’Atletico Madrid et Wenger qualifie année après année depuis 20 ans Arsenal pour la C1 et a été le déclencheur de l’arrivée massive de managers étrangers en Premier League.
Au Café des Sports aime l’audace et prend le risque d’avancer deux noms qui, au-delà de la trace laissée dans les palmarès, ont également marqué la philosophie du jeu de leurs empreintes.
- Arrigo Sacchi qui a révolutionné le football des années 80 avec un style de jeu basé sur le principe de l’intelligence collective (« mon Milan ne courait pas plus que les autres, il courait mieux ») illustrée par l’instauration d’un marquage en zone (à une époque où la défense en individuelle était la norme) et d’un pressing enclenché par les attaquants pour faciliter la récupération du ballon et pour porter le danger très rapidement sur les buts adverses. Cette révolution, articulée autour d’un immuable 4-4-2, a permis au Milan AC de collectionner les titres (le Calcio en 1988, la C1 en 1989 et 1990, plus des supercoupes d’Europe et des coupes intercontinentales). Sacchi a ensuite fait de nombreux émules en Italie comme Capello, Ancelotti ou encore comme Gourcuff en France.
- Pep Guardiola a, lui, bouleversé le football du XXIème siècle avec une philosophie de jeu dite des « 3P » : possession, positionnement et passes. Le Catalan a littéralement transfiguré les tactiques du football moderne en faisant jouer son équipe tantôt en 3-2-5 avec 2 latéraux plus ailiers que défenseurs, ou en 3-7-0 sans réel attaquant de pointe mais avec un électron libre comme Messi capable de décrocher pour attirer la défense adverse et permettre des appels en profondeur dans son dos, ou encore 2-5-3 comme au Bayern dans laquelle la position avancée de Neuer permettait aux défenseurs centraux et à tout le bloc équipe d’évoluer bien plus haut sur le terrain.Guardiola semble innover sans cesse, il a même pu arriver que ses créations soient un peu ennuyeuses avec l’impression que son équipe peut garder le ballon tout un match sans se montrer dangereuse, mais pour le moment il gagne beaucoup (22 titres en seulement 6 saisons) et semble s’être très vite adapté au football britannique !
Crédits photos :
Everfoot (FILIPPO MONTEFORTE/AFP/Getty Images), Firstpost (Reuters), bleacherreport
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