Après une campagne européenne ratée et une série de contre-performances en Ligue 1 en janvier, le club phocéen s’est enlisé dans une nouvelle crise sportive et institutionnelle. Etat des lieux après des derniers jours très mouvementés sur la Canebière.
Une institution abîmée
Dans un pays en quête urgente de vaccins, une certitude : l’OM n’est toujours pas vacciné contre la crise ! Latente depuis plusieurs semaines en raison notamment de retrouvailles gâchées en Ligue des Champions (5 défaites en 6 matches) après une attente longue de 7 ans, la crise a de nouveau frappé le club phocéen depuis le week-end dernier avec de très violentes secousses ressenties dans toute la France du football.
Samedi, les amoureux du ballon rond, suiveurs des Olympiens ou pas, n’ont pu être insensibles à l’opération coup de poing menée par des franges de supporters au centre d’entraînement de l’OM. Les images de fans pénétrant dans la Commanderie et dégradant les lieux ont largement abîmé l’institution marseillaise. Certes cette virulente intrusion venait sanctionner une série de 3 revers consécutifs en championnat, mais la violence des débordements a sidéré et marqué les esprits sur l’état de délabrement de l’Olympique de Marseille, club phare de la fin des années 80 et du début des années 90.
La cible Eyraud
Dans le viseur des supporters, une tête principalement. Plus que le propriétaire du club, Frank McCourt, c’est le président Jacques-Henri Eyraud qui est en première ligne des contestations.
McCourt n’y connaît pas grand chose au soccer, tout Marseille le sait et le savait avant son arrivée à la tête de l’OM, mais l’Américain a tenu ses engagements : il avait promis d’investir 200M€ dans le club marseillais, ce qu’il a fait. Efficacement ou pas, c’est la problématique, pertinente, qui est adressée à son président, le fringuant Jacques-Henri Eyraud.
Une gestion calamiteuse des transferts
S’il a brillé dans les amphithéâtres, le diplômé de Harvard a beaucoup plus de mal sur le terrain des transferts. Bien mal guidé par son acolyte Rudi Garcia entre 2016 et 2019, le duo s’est compromis dans une série de transferts coûteux et à valeur de revente nulle. Dimitri Payet, alors âgé de 30 ans, rapatrié de West Ham contre un chèque de 30M€ (!), Kevin Strootman du centre de convalescence de la Roma pour 25M€, l’énigmatique Kostas Mitroglou acquis pour 15M€, le chien fou serbe Nemanja Radonjic acheté 10M€,… Des dépenses inconsidérées, aggravées par la décision présidentielle de prolonger jusqu’en 2024 le contrat du vieillissant et bedonnant Payet tandis que Florian Thauvin, une des rares valeurs marchandes de l’effectif marseillais, a de grandes chances de quitter l’OM sans indemnité de transfert à la fin de son engagement en juin prochain.
Eyraud a clairement dilapidé l’investissement de McCourt, et dans un contexte économique précaire marqué par l’éclatement de la bulle inflationniste des transferts (comme l’illustre le départ de Morgan Sanson à Aston Villa, prévu à plus de 30M€ et finalisé à 18M€), cette gestion calamiteuse lui revient tel un boomerang.
La rupture avec Marseille
En sus de ses échecs de recrutement, JHE s’est progressivement mis à dos le public en cherchant à se couper de plusieurs racines marseillaises du club. Les premiers visés par Eyraud furent les groupes de supporters dont l’influence considérable prise durant les années Tapie reste prépondérante dans le quotidien de l’OM. En conflit depuis 2018 notamment avec les Yankees, leur retirant leur statut d’association officielle, le président a vu ces derniers mois les autres groupes de supporters manifester leur courroux à son encontre, désabusés par la gestion déficiente du club, la distance prise par la direction et les résultats décevants. Pris en grippe par les puissantes tribunes du Vélodrome, la cote de popularité d’Eyraud a commencé à dangereusement décliner.
L’image du président a subi un second coup de griffe en fin d’année dernière lorsque Eyraud a critiqué la passion excessive des collaborateurs de l’OM, « frappé de voir (à son arrivée) que 99 % des collaborateurs du club étaient marseillais. » ou que « en terme de productivité, l’impact d’une défaite sur les attitudes et les comportements des collaborateurs était fort, et cela, ça ne va pas. »
C’est la grosse goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
Exaspérés par le retour manqué en Ligue des Champions et par une préoccupante série de revers en championnat, 300 supporters ont exprimé leur ras-le-bol samedi avec les conséquences que l’on sait.
Villas-Boas, départ avec fracas
Depuis mardi la crise institutionnelle a gagné le terrain sportif avec la démission, chronique d’un départ annoncé, du coach André Villas-Boas. Arrivé sur la Canebière il y a 18 mois, l’entraîneur portugais a justifié son départ par le recrutement lundi soir en fin de mercato hivernal du jeune Français Olivier Ntcham, mouvement qu’il n’avait pas validé. S’estimant exclus de la stratégie sportive du club, AVB a préféré anticiper son départ prévu en juin de quelques mois.
Le départ fracassant, annoncé par l’intéressé en conférence de presse, trompe peu de monde sur la motivation du technicien de se positionner rapidement sur le marché pour trouver un nouveau et attirant port d’attache. Faute de finances au beau fixe, ABV savait qu’il n’aurait pas la marge de manœuvre suffisante pour mener l’OM vers un ambitieux dessein en fin de saison. Mais sa démission illustre néanmoins le point de rupture atteint dans les relations entre Eyraud et Villas-Boas. Orphelin du départ de Zubizaretta en mai 2020 le coach lisboète peinait de plus à plus supporter les ingérences de la direction générale dans le volet sportif. L’arrivée de Ntcham a fini par officialiser leur séparation.
Populaire au sein des supporters de l’OM, le départ du Portugais va forcément fragiliser encore un peu plus la position d’Eyraud dans un club qui connaît l’une de ses crises les plus aigües de ces 20 dernières années.
Marseille mérite mieux, désespérément mieux !
Credits Une Jacques-Henri Eyraud ©Icon Sport