En quête de titre depuis 6 ans, une éternité pour ce club multi-sacré depuis les années 80, le Stade Toulousain semble enfin avoir digéré l’après Guy Novès. Invaincu depuis 9 rencontres, le club Haut-Garonnais séduit de nouveau. Décryptage.
9 juin 2012, c’est la date du dernier titre obtenu par le Stade Toulousain, ogre du rugby français de ces trente dernières années. Depuis le milieu des années 80, le club phare de la Ville Rose a engrangé 12 boucliers de Brennus et 4 titres de champions d’Europe. Mais cela fait 6 ans que plus aucun titre n’est venu étoffer l’imposante armoire à trophées toulousaine. La saison 2018-2019 pourrait mettre fin à cette série, car les Rouge et Noir surfent actuellement sur une vague irrésistible de succès (5 consécutifs en Top 14 et 4 en Coupe d’Europe), de jeu et de plaisir retrouvés.
Un jeu retrouvé, des tribunes de nouveau remplies
Le principal trait d’union des 8 victoires consécutives des troupes des managers Ugo Mola et Régis Sonnes tient au retour d’un jeu offensif maîtrisé. Le Stade a toujours eu l’ambition d’envoyer du jeu, mais ces dernières années il avait du mal à concrétiser ses bonnes intentions. Soit parce que son pack n’était plus assez dominateur devant là où le rugby commence. Soit parce que ses lignes arrières n’avaient pas assez de jambes ou de lucidité pour aller pointer dans l’en-but.
Cette année, l’équipe toulousaine a retrouvé un paquet d’avants dominateurs. Dans le combat à l’image de Tekori, Kaino ou Elstadt. Et également très mobile pour assurer la liaison avants-arrières, indispensable dans la fluidité du jeu toulousain, avec les coureurs Marchand, Cros, Placines.
Derrière, elle a aussi recouvré de la vitesse et de l’inspiration dans la lignée de l’insaisissable ailier Springbok Cheslin Kolbe. Les Dupont, Bézy, NTamack et consorts se mettent au diapason, créent l’incertitude dans leurs mouvements et composent une ligne de trois-quarts vivante et piquante à souhait.
Le public, déçu par des années de disette et de jeu plus stéréotypé, se régale et les tribunes d’Ernest Wallon se garnissent à nouveau.
Place aux jeunes, comme aux plus belles heures
Ce sont les chouchous de l’exigeant public toulousain. Ces « pitchouns » qui embrasent les travées par leur insouciance et leur témérité. Incarnée par Marchand, Dupont, NTamack, Ramos ou Verhaeghe, cette jeunesse est en train de reprendre le flambeau d’autres générations de jeunes talentueux rapidement plongés dans le grand bain. Ce qui est le point commun des grandes périodes de victoires toulousaines.
Dans les années 90, c’était la génération des Califano, Castaignède et Carbonneau puis au début des années 2000 celle des Michalak, Poitrenaud et Jeanjean.
Le staff toulousain, comme dans les années les plus fleurissantes, a décidé de faire de la place pour ses talents prometteurs. Le capitanat a ainsi été confié au talonneur Julien Marchand, le poste de premier centre, régulateur des trois-quarts, à Romain NTamack, alors que Thomas Ramos s’est imposé comme l’arrière et le buteur numéro 1.
Un vestiaire qui a digéré le départ de Guy Novès
Passer après Guy Novès au Stade Toulousain c’est comme succéder à Sir Alex Ferguson à Manchester United. C’était mission impossible tant l’ancien manager toulousain a été le guide de générations victorieuses. Logiquement Ugo Mola a mis du temps à fédérer un vestiaire rompu au management de son illustre prédécesseur. On a même pensé qu’il n’y arriverait jamais et que le costume était trop grand pour lui. Finalement l’ancien ailier semble avoir assis son autorité sur son vestiaire.
Plusieurs éléments ont permis cette transformation.
Tout d’abord le départ progressif des tauliers de l’ère Novès, dont la voix et l’autorité portaient dans le vestiaire rouge et noir et pouvaient potentiellement faire de l’ombre au candide Mola. Thierry Dusautoir, le capitaine victorieux des derniers titres, Pato Albacete (qui avait déclaré que Mola n’avait pas les épaules pour succéder à Novès), Florian Fritz, Yoann Maestri. Le départ de joueurs qui ont marqué l’histoire du Stade et qui ont longtemps joué et gagné sous les commandes de Guy Novès.
Autre fait important la nomination depuis cette saison d’un co-manager, également ancien de la maison Stadiste, Régis Sonnes. L’ex-entraîneur des avants de l’Union Bordeaux Bègles partage ainsi les prérogatives en terme de management et de réflexion sur la mise en place du jeu avec Mola. Ce qui permet à ce dernier de ne plus être seul en première ligne face à l’ombre encore récemment omniprésente de son prédécesseur.
Enfin un vestiaire vit toujours mieux lorsque les résultats sont positifs et que le plaisir se transmet du terrain aux tribunes. La série en cours de victoires facilite l’adhésion des troupes au discours du duo Mola-Sonnes et de son staff.
Un nouveau souffle à la présidence
Le Stade Toulousain a incontestablement connu son âge d’or sous la présidence de René Bouscatel, qui a dirigé le club de 1992 à 2017. Mais les dernières années de l’ère Bouscatel ont été marquées par des résultats sportifs en demi-teinte sous fond de conflit plus ou moins latent avec Guy Novès, et une fragilité économique avec des déficits à résorber à chaque fin d’exercice.
L’arrivée aux commandes de l’ancien troisième ligne Didier Lacroix a contribué à insuffler une nouvelle dynamique au club toulousain.
Lacroix a rajeuni l’organigramme du club avec l’incorporation de plusieurs de ses ex-coéquipiers des 4 Brennus consécutifs des années 90, Thomas Castaignède, Jérôme Cazalbou et Emile NTamack.
La formation a de nouveau été établie en étendard, avec en fers de lance les 6 champions du monde U20 en juin dernier.
Le marketing des rencontres disputées à Ernest Wallon a été repensé avec plus d’animations avant et après match.
Le recrutement, après des années d’errances, est de nouveau ambitieux, en témoignent les signatures depuis 18 mois de Dupont, Kolbe et Kaino.
Reste l’épineux exercice budgétaire auquel Lacroix et ses équipes s’attellent pour faire décroître la pression sur les finances toulousaines. Une réalité à laquelle est aujourd’hui confrontée la plupart des clubs du Top 14.
Le Stade Toulousain semble s’être offert un nouveau départ après plusieurs saisons décevantes et loin de son standing passé. Maintenant seule la conquête de titres au printemps prochain permettra aux supporters de valider officiellement la renaissance de leurs Rouge et Noir.
Photo Julien Marchand ©R.Gabalda / AFP