La XXXIème édition des Jeux Olympiques d’été s’ouvre aujourd’hui à Rio de Janeiro. Plus de 10 000 athlètes représentant 205 délégations vont concourir pendant 2 semaines dans 28 sports pour glaner les fameuses médailles qui font office tous les 4 ans de baromètre mondial de la santé sportive de chaque pays.
Mais, derrière sa vitrine sportive, l’idéal olympique vacille de plus en plus et sa crédibilité est mise à mal par la politique menée par son instance dirigeante, le CIO (Comité International Olympique).
Un pouvoir de plus en plus fort et des désignations de plus en plus contestées
Bien qu’étant une organisation non gouvernementale, le CIO concentre beaucoup d’intérêts politiques et économiques, et détient ainsi un pouvoir et une influence toujours plus importants.
Dès sa création par le Baron de Coubertin en 1894, le CIO s’est toujours considéré comme un acteur actif de la diplomatie dans le monde en faisant valoir la pacification des peuples par le sport.
Mais depuis les années 1980 le CIO a changé de dimension en attirant les plus grandes multinationales (lui assurant ainsi une forte stabilité financière). Il est devenu le grand maître du jeu de la désignation des villes hôtes, mettant les pays en compétition pour que l’accueil des JO devienne un enjeu international et exerçant même pendant la durée de l’olympiade l’autorité d’un état bis aux côtés du pays hôte !
Que le CIO souhaite poursuivre la pacification et le développement universel voulus par Coubertin, c’est une intention louable, mais elle est malmenée par des choix hasardeux de villes hôtes et par une ambition géopolitique éreintée par le coût d’entrée pharaonique pour accueillir les JO.
De la désignation d’Atlanta pour le centenaire des JO en 1996 aux dépens d’Athènes (« Le Coca-Cola l’a emporté sur le Parthénon » avait déclaré Melina Mercouri, ancienne ministre grecque de la Culture) à la désignation de Sotchi pour les JO d’hiver 2014 (pour accéder aux désirs de Vladimir Poutine de replacer la Russie au centre de l’échiquier mondial), les choix contestés ont fait légion ces trente dernières années et ont semé le trouble sur un mode de désignation très opaque et gangréné par la corruption. Pas une seule désignation ne se fait sans que des suspicions ne voient le jour sur des votes des membres du CIO et ce malgré les mesures disciplinaires que le CIO a déclarées vouloir prendre.
La corruption n’est pas la seule raison de ces désignations critiquées, le CIO pêche aussi par excès d’interventionnisme dans la géopolitique mondiale.
Le choix même de Rio pour les JO de 2016 en est l’illustration. Alors que le Brésil avait déjà été retenu pour accueillir la Coupe du Monde de football 2014, la désignation de Rio avait été contestée d’autant que le dossier de candidature avait reçu une note de 6.4 sur 10, très inférieure aux autres villes candidates. Le CIO avait joué la carte de l’ouverture vers un nouveau continent (ce sera la première fois que l’Amérique du Sud accueillera les Jeux) et de retombées économiques très fortes pour la ville et pour le pays. Peine perdue d’avance alors que le Brésil connait une forte récession économique et risque de traîner comme un boulet à l’instar d’Athènes les investissements nécessaires à l’accueil de l’évènement (plus de 12 milliards d’Euros !).
L’ouverture à des disciplines de moins en moins en phase avec l’esprit olympique
28 sports seront présents lors de cette olympiade. La natation et l’athlétisme constitueront de nouveau les épreuves reines de la compétition, se partageant en fil rouge l’agenda de la quinzaine.
2 disciplines feront leur apparition (ou plutôt leur réapparition) à l’occasion de Rio 2016.
Le rugby (à 7) et le golf signent ainsi leur retour après respectivement 92 et 112 ans d’absence. Si l’intégration du rugby à 7 semble s’inscrire dans les desseins internationaux de Bernard Lapasset (ancien président de la fédération internationale de rugby, actuel co-président de Paris 2024 et promis à de hautes fonctions au sein du CIO) et n’est pas plus folklorique que la présence du beach-volley, le retour du golf pose grandement question.
Certes le golf est de plus en plus pratiqué et sa réintégration aux JO peut être idéologiquement assimilée à un accélérateur de son développement, mais il n’en demeure pas moins un sport élitiste par excellence très loin de l’idéal olympique avec des joueurs parcourant les fairways chaque semaine pour des millions de dollar. Preuve de cette absence de flamme olympique, 6 des 10 meilleurs joueurs mondiaux ont déjà déclaré forfait, craignant notamment qu’une éventuelle contraction du virus Zika ne vienne leur faire manquer les principales échéances de la fin de saison.
Bref on n’est pas loin d’un flop retentissant !
Autre sport lui aussi touché par les nombreux forfaits : le tennis qui à l’instar du golf délivre de riches dotations chaque semaine aux 4 coins de la planète. Les meilleurs mondiaux tels Federer, Nadal, Djokovic et Murray ont beau avoir affiché une motivation bien plus grande que leurs collègues golfeurs pour représenter leurs pays lors des dernières olympiades, on peut légitimement se demander si la présence du tennis est bien indispensable notamment quand certaines disciplines comme l’escrime, toujours présente depuis l’ère moderne des Jeux, sont obligées tous les 4 ans d’appliquer un roulement entre les armes pour limiter le nombre d’épreuves disputées !
Dernier sport en question : le football masculin, certes réservé aux joueurs de moins de 23 ans (déjà multi millionnaires pour certains !), fait également partie des disciplines dont l’absence aux JO ne choquerait pas grand monde et pourrait ainsi faire un peu de place au karaté, l’éternel absent des Olympiades.
Le « ni-ni » compromettant à l’égard de la Russie
Enfin dernier sujet épineux et qui va jeter une ombre omniprésente sur la crédibilité des JO de Rio : la décision du CIO de ne pas en exclure la Russie après la révélation d’un système de dopage institutionnalisé et de laisser cette responsabilité aux fédérations internationales de chaque discipline présente au Brésil. Cette absence de prise de décision pour une organisation qui se veut être une instance de pacification et de moralisation universelles est plus que dérangeante, elle est déplorable pour deux raisons !
Tout d’abord la Russie a fauté, c’est avéré. L’Agence mondiale antidopage (AMA) a prouvé l’existence d’un dopage d’état dans plusieurs sports et avec comme point d’orgue les Jeux de Sotchi en 2014, selon les conclusions du rapport du juriste canadien Richard McLaren.
Alors que le CIO avait la possibilité de se refaire une virginité en excluant la délégation russe, son président Thomas Bach a préféré opter pour un lâche « ni exclusion totale – ni exclusion zéro » qui permettra à tous les athlètes russes n’ayant jamais fait l’objet d’un contrôle anti-dopage positif de pouvoir participer aux Jeux.
Par ricochet cette décision a également eu pour conséquence d’exclure la lanceuse d’alerte Yulia Stepanova, celle grâce à qui le scandale a pu être révélé. Ayant été suspendue dans le passé suite à des anormalités constatées sur son passeport biologique, elle est ainsi privée d’une participation aux Jeux de Rio. On est au comble de l’ironie et cette décision n’encouragera pas à l’avenir celles ou ceux qui auront envie de rompre l’omerta en révélant les pratiques dopantes au sein de leurs disciplines.
La morale du CIO est ainsi sauve Bach n’a pas lâché Poutine son allié et maître du Kremlin, celle des Jeux est, elle, plus que jamais entravée.
Bien entendu je compte bien vibrer pendant cette quinzaine olympique, espérant aussi que mes enfants vibreront comme lorsque enfant je vibrais pour les sprints victorieux de Carl Lewis ou adolescent devant les tours de piste couronnés d’or de Marie-José Pérec et l’entrain opéré par la dream team américaine de basket (qui avait su, elle, prendre la mesure de l’olympisme). Peut-être que le réveil sonnera en pleine nuit pour regarder la finale du 100 mètres avec Usain Bolt. Mais vite comme son voisin suisse de la FIFA, il est temps que le CIO se réveille et redonne un élan sportif et moral à des Jeux en perte continue de probité.