Ce moment était redouté par les supporters stadistes, mais finalement le couperet était passé si près ces dernières années qu’ils se doutaient bien que la série finirait par prendre fin. Le Stade Toulousain n’atteindra pas cette saison pour la première fois depuis 1992 a minima les quarts de finale ou les barrages de la formule moderne.

25 ans pendant lesquels le club haut-garonnais a dominé l’ovalie hexagonale, conquérant 9 titres de champion de France et 4 coupes d’Europe. Mais cette domination s’est peu à peu effritée (6 titres dans les années 90, 4 dans les années 2000 et 3 dans les années 2010) sous l’effet de plusieurs facteurs internes ou externes. Retour sur un déclin en trois actes et une projection sur l’avenir.

Une concurrence renforcée

Deux chiffres pour en témoigner : alors que le bouclier de Brennus n’avait connu que 3 clubs hôtes entre 1994 et 2008 (Toulouse, Stade Français et Biarritz), ce sont 7 clubs différents qui se sont partagés les huit derniers titres de champions (Perpignan, Clermont, Toulouse, Castres, Toulon, Stade Français et le Racing).

Par l’intermédiaire notamment de nouveaux propriétaires venant du monde des affaires, la concurrence s’est développée, particulièrement active sur le marché des transferts (jadis des mutations), là où le club toulousain régnait en maître, attirant année après année des valeurs ajoutées à son effectif galactique. C’était par pincée de trois, quatre recrues au grand maximum, mais elles permettaient au Stade de conserver son avance sur la concurrence.

Depuis le début des années 2010, le marché s’est internationalisé avec une forte inflation des salaires attirant les plus grandes stars de l’hémisphère Sud. Toulon, le Racing, Montpellier ont ainsi émergé, avec des modèles économiques certes peu transparents. Et ont été suivis par la majorité des clubs du Top 14 qui compte chacun son quota de Néo-Zélandais, d’Australiens ou de Sud-Africains.

Chaque club possède ainsi des contingents de 30 à 45 joueurs leur permettant de pouvoir aligner 2 à 3 équipes de niveau homogène pour pallier aux blessures croissantes et aux appels en sélection.

Face à cette concurrence étoffée, le Stade s’est mis lui aussi à recruter davantage, mais sans connaitre beaucoup de succès ces dernières années… perdant même en densité d’effectif.

Des campagnes de recrutement peu reluisantes

Oui certaines rémunérations éventées dans la presse ont laissé songeurs (100.000 Euros par mois pour Carter au Racing, 80.000 Euros pour Cruden à Montpellier) et n’entraient pas dans les grilles de salaires toulousains. Mais cela n’explique pas toutes les errances commises depuis plusieurs saisons entre recrues étrangères en échec (Botha, Burgess, Ralepelle, Flood, Tialata), ou françaises affichant leurs limites les jours de doublons (Barraque, Mélé, Marques, Palisson, Guitoune). Les dirigeants toulousains ont longtemps justifié par la logique de rajeunissement de l’effectif certains mouvements et notamment la non-reconduction de certains soldats historiques. Mais qu’a apporté Sofiane Guitoune cette saison de plus que le valeureux Vincent Clerc ? Idem Clément Poitrenaud n’aurait-il pas été utile une année supplémentaire pour relayer Maxime Médard sur le poste d’arrière ? Enfin comment expliquer l’absence d’un renfort aguerri aux tirs aux buts tant la faiblesse toulousaine y est criarde depuis quelques saisons ?

Et pour ne rien arranger, le Stade a vu partir année après année des joueurs dominants qui mettaient l’équipe constamment dans le sens de l’avancée. De Jauzion, l’un des meilleurs centres du monde au milieu des années 2000, à Picamoles, aux percussions et raffuts ravageurs, le Stade a perdu ces éléments qui faisaient basculer les matchs les plus serrés du bon côté.

Un staff trop peu expérimenté, une présidence chancelante

Le Stade avait déjà souffert pour se qualifier lors des dernières saisons du règne Novès, la non-qualification pour les phases finales ne peut être uniquement liée au départ de l’actuel sélectionneur il y a deux ans.

Mais il est à présent évident que le quatuor (Mola, Elissalde, Servat, Broncan) qui a pris la suite, est apparu trop peu expérimenté et trop peu rompu aux joutes d’un Top 14 de plus en plus compétitif.

Elissalde et Servat faisaient bien partie du staff de Guy Novès mais ils évoluaient alors dans l’ombre tutélaire d’un des plus grands managers du sport collectif français, qui se hissait en père protecteur dès que la maison stadiste toussait. Quant à Mola, la marche était peut-être trop haute pour passer directement du haut de tableau de la Pro D2 à la F1 Toulousaine.

Le président Bouscatel a forcément sa part de responsabilité dans cette succession manquée. Il a voulu faire perdurer la logique d’un staff habitué à la maison stadiste, mais n’a pas mesuré, à l’instar de son recrutement, qu’ailleurs aussi les staffs s’étaient renforcés avec des compétences de plus en plus étendues et ayant emmagasiné beaucoup d’expériences. Il y a quelques mois Vern Cotter était sur le marché, et il est peu probable, avant qu’il ne choisisse de rejoindre Montpellier, qu’il ait reçu un appel de la direction toulousaine…

Il faut dire que pendant ce temps-là, le président toulousain préférait soigner ses sorties médiatiques afin de briguer un nouveau mandat, plutôt que de s’effacer avec classe pour préparer l’avenir. Entre pro-Bouscatel, pro-Lecomte, pro-Lacroix les coulisses du pouvoir continuent de s’embraser. Pour un club loué naguère pour sa culture familiale, cette absence de sérénité à sa tête fait tâche et a pesé forcément sur le volet sportif.

La suite

Et pourtant à l’issue d’une saison ratée, pour valider le principe que « les grandes équipes ne meurent jamais », le Stade Toulousain a des raisons d’espérer et de croire que son tour reviendra.

Tout d’abord il semble pour une fois avoir bien préparé son recrutement avec en têtes de gondole le très prometteur Dupont de Castres et le buteur Holmes de la Rochelle. Il a en outre accéléré l’éclosion de ses jeunes espoirs (Baille, Bonneval, Marchand, Cros, Aldegheri) que cette saison de galère aura endurci. Toulouse a toujours vécu et suscité l’adhésion du public d’Ernest Wallon par le pari de l’appel à la jeunesse (la génération des Califano et Castaignède dans les années 90 puis au début des années 2000 celle des Michalak, Poitrenaud et Jeanjean), c’est une constante dans les succès stadistes.

Les finances toulousaines ne sont pas réjouissantes certes, mais après le tragi-comique épisode de la fusion avortée entre le Racing et le Stade Français, doit-on penser que le seul salut aux maux du Stade ne puisse venir que d’un milliardaire à l’affût d’une fantaisie passagère dont il finira par se lasser ? Le modèle économique basé sur l’autogestion a peut-être vécu, l’ouverture du capital à de nouveaux partenaires pourrait marquer une nouvelle voie assurant une pérennité au club et garantissant sa compétitivité.

Enfin comme vient de le dire Thierry Dusautoir au moment d’annoncer sa retraite, le Stade a manqué sa saison, mais il ne faut pas oublier que « Montpellier n’a pas encore été champion, La Rochelle non plus, le Racing a mis 26 ans à en regagner un Brennus ». Le peuple toulousain a longtemps été gâté et, une fois que la remise en question en interne sera enclenchée, il devra pousser derrière son équipe pour que l’aider à retrouver le chemin des succès. Le déclin est avéré, le sursaut est à présent attendu.

 

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