La fumée blanche du conclave du Top 14 a fini par s’élever dans la soirée mercredi dernier officialisant la décision collégiale de terminer la saison 2019-2020 en août par une phase finale à 4 équipes. Une formule qui exclurait de facto le Stade Toulousain, principal pourvoyeur du XV de France pendant la Coupe du Monde et le Tournoi. Le Champion de France en titre apparaît comme le dindon d’une farce bien indigeste.
Une phase finale à 4 en août… avec les effectifs de la saison prochaine…
La saison 2019-2020 s’annonçait vaudevillesque, eh bien les amateurs de Feydeau sont décidément gâtés avec les rebondissements que leur réserve jusqu’au bout la Ligue Nationale de Rugby.
Dès l’entame de la saison que l’on savait disputée à mi-temps sans les joueurs internationaux (8 journées se disputant pendant la Coupe du Monde et 4 lors de la fenêtre du Tournoi des VI Nations), on présumait l’exercice surprenant. Avec la suspension des compétitions liée au Covid-19, il est devenu tout bonnement déroutant !
Voulant à tout prix décerner un titre de Champion de France, et par la même récupérer une partie des droits TV de Canal +, les présidents des clubs de l’élite ont décidé de conclure cette saison tronquée par des phases finales opposant au mois d’août les 4 équipes en tête du Top 14 à son arrêt. L’Union Bordeaux-Bègles et Lyon recevraient alors respectivement Toulon et le Racing en demi-finales avant que les vainqueurs ne se retrouvent en finale au Stade de France (avec du public ?) pour se disputer un Brennus au rabais.
Dans ce scénario digne des plus grands succès de Robert Lamoureux, la Rochelle, Clermont, Toulouse et Montpellier seraient alors privés du bal estival de clôture et devraient se contenter de barrages qualificatifs pour la prochaine Coupe d’Europe. Finalistes l’an passé du Top 14, l’ASM et le Stade Toulousain se retrouveraient ainsi pour le 15 août sur la pelouse du Stade-Michelin pour se disputer un ticket européen à quelques millions d’Euros. Aussi saugrenu que burlesque ! Les troupiers de la 7ème Compagnie n’ont qu’à bien se tenir !
Les pontes de la LNR y ont même ajouté une dose supplémentaire d’incongruité puisque ces phases finales se disputeraient avec les effectifs de la saison prochaine. Ainsi l’UBB serait privé de son formidable attaquant Radradra pour les deux matches les plus importants de son histoire depuis près de 30 ans…
Bref cela sent la belle farce, et s’il y a un dindon tout identifié, il ressemble bien fort au Stade Toulousain !
Toulouse, le cocu de la Ligue
Certes, le club haut-garonnais n’est pas le seul lésé dans l’affaire. La Rochelle, Clermont ou Montpellier peuvent également trouver cruel de se faire éjecter de la course au Brennus, avec le consentement des autres présidents de la grande famille ovale…
Mais le club Toulousain, comme c’était prévisible dès le démarrage de la saison, a particulièrement payé un lourd tribut à l’absence de ses internationaux pendant la Coupe du Monde (12 joueurs sélectionnés) et durant le dernier Tournoi (entre 8 et 11 joueurs mobilisés par rassemblement). Sur les 23 matches officiels disputés depuis fin août (17 en Top 14 et 6 en Coupe d’Europe), Toulouse n’en a joué que 11 avec son effectif au complet pour 9 victoires (dont 6 sur 6 en HCup), 1 nul et 1 défaite.
Un bilan statistiquement probant mais insuffisant pour intégrer les 4 premières places du Top 14 fin février. Aussi bien à la fin de l’ère Brunel qu’au début prometteur du mandat de Galthié, les internationaux toulousains ont passé bien plus de temps ces derniers mois en bleu qu’en rouge et noir. Ainsi la pépite Antoine Dupont n’a défendu les couleurs toulousaines que 52 maigres minutes cette saison en Top 14, et son acolyte de la charnière tricolore Romain Ntamack à peine plus de 300 minutes.
Une contribution marquante au réveil du XV de France, en vain
Si le rugby français peut se féliciter de la contribution apportée par le Stade Toulousain cet hiver à la renaissance d’un XV de France longtemps moribond, à la valorisation de la formation tricolore avec sa première place au classement des Jiff (joueurs formés en France) cochés sur les feuilles de matchs (à égalité avec le Racing) ainsi qu’au classement des centres de formation, les présidents de l’omnipotent Top 14 ont opté pour une autre lecture, à la fois minimaliste et grossière.
Bien entendu la brillante année de l’UBB aurait mérité probablement une meilleure issue que cette fin de saison écourtée. Mais la Ligue s’est trompée de bout en bout cette saison. Avec pour commencer un tiers du championnat disputé pendant la Coupe du Monde (!) puis 12 journées sur 17 sans les joueurs internationaux, elle se retrouve finalement punie par ses propres péchés de gourmandise en n’ayant jamais cherché à résoudre ces doublons qui desservent sportivement le Top 14 depuis une décennie.
Fragilisés par une fin d’exercice suspendue aux décisions sanitaires, les présidents des clubs de l’élite ont privilégié solidairement leurs petits intérêts. Il fallait lâchement désigner un bouc émissaire, et c’est sur le Stade Toulousain que c’est tombé. Les valeurs ont bien quitté l’Ovalie, définitivement.
Photo Une Stade Toulousain ©Icon Sport