Elle a été la vedette de ce week-end de Pâques, omniprésente et pas forcément concluante. De Limerick à Bordeaux, elle a fait causer encore et encore. Quel paradoxe alors qu’elle est censée éteindre tout sentiment d’injustice !
Non la vidéo ne s’est pas trompée ce week-end que ce soit lors du quart de finale européen de rugby entre le Munster et Toulon, ou lors de la finale de la Coupe de la Ligue opposant le PSG et Monaco. Elle a pleinement joué son rôle d’assistance à un arbitrage qui a pu rendre une décision factuelle et fondée.
Mais pour autant ses appels pour une assistance et un éclairage sur des faits de jeu ont-ils été convaincants ?
Un seul cas ce week-end a été probant à mes yeux : celui permettant à M. Turpin d’accorder le pénalty au PSG pour une faute sur Killian M’Bappé, qu’il avait initialement sifflée puis qu’il avait annulée car informé par son juge de touche d’une position de hors-jeu de Rabiot. La vidéo a finalement conforté M. Turpin dans sa décision, après tout de même quatre longues minutes qu’un (bon) arbitre de surface aurait pu probablement abrégées.
Deux autres recours prêtent beaucoup plus à discussion.
L’annulation du but à Falcao pour un hors-jeu bien léger est légitime si on se réfère aux lois du jeu, mais elle va inexorablement engendrer un surplus de pression sur le corps arbitral qui sera attendu au tournant à chaque position de hors-jeu litigieuse. De plus bien souvent un angle de caméra ne suffira pas et un temps de réflexion sera nécessaire avant qu’une décision soit rendue comme ce fut le cas samedi à Bordeaux. A ce rythme, certains matchs vont durer 120 minutes sans même que des prolongations ne soient jouées !
A l’identique l’essai accordé au demi de mêlée du Munster Conor Murray n’apparaît toujours pas comme indiscutable même après des tonnes de ralentis en long et en large. Une succession de faits de jeu ont été jugés en utilisant la vidéo pour l’action amenant cet essai et il a fallu cinq minutes à l’arbitre Nigel Owens pour prendre sa décision et répondre à toutes les questions potentielles : en-avant, hors-jeu, ruck, tout y est passé ! Et au final il n’aurait pas été scandaleux que cet essai soit refusé tant sa validation a été basée sur bon nombre d’interprétations d’images plus ou moins nettes.
Si elle se veut rationnelle en incarnant une justice à toute épreuve, cet appel incessant à la vidéo risque aussi de dépassionner le jeu et le spectacle
Quel plaisir ont dû prendre les spectateurs du Matmut Stadium de Bordeaux, sans son ni image, en attendant pendant de longues minutes de savoir si les décisions arbitrales étaient finalement validées par les caméras ?
Et quid de certaines actions de légendes passées à la postérité ?
Est-ce qu’Amara Simba serait devenu le roi du top but de Télé Foot avec ses célèbres bicyclettes, que nous tous gamins nous avons essayées de reproduire, mais que la vidéo aurait pu juger dangereuses pour les défenseurs à son contact ?
Est-ce que Jonah Lumu n’aurait pas été sanctionné pour ses raffuts parfois brutaux sur ses essais qui ont fait le tour de la planète et qui ont permis de populariser le rugby ?
Bien entendu j’entends aussi les arguments des défenseurs de la vidéo rappeler que les Marseillais n’auraient pas subi la main de Vata, les Anglais celle de Maradona, les Irlandais celle de Thierry Henry, les All Blacks l’en-avant manifeste entre Traille et Michalak, ainsi de suite.
Mais dans notre amour du sport, dans cette passion qui nous accompagne depuis toujours, l’arbitre fait partie du jeu. Ses décisions peuvent être rageantes (j’ai beaucoup râlé jeune footballeur !), on les met alors sur le compte de son humanité et de son droit à l’erreur. On peut finalement se demander si l’assistance vidéo telle qu’elle est aujourd’hui pratiquée ne va-t-elle pas finalement accentuer la pression sur un arbitrage qu’on va attendre comme infaillible, alors qu’elle était censée l’aider ? Le débat est ouvert !