Il y avait 1998, il y aura 2018. 20 ans ont passé et une deuxième étoile orne depuis dimanche le maillot frappé du coq. Moins brillants que leurs prédécesseurs, les joueurs de Didier Deschamps sont allés conquérir le titre suprême, portés par une détermination sans faille et une force collective exemplaire. De magnifiques vertus pour un destin éternel.
Certains n’ont pas encore 20 ans, d’autres tout juste 22, et déjà leur histoire personnelle a basculé vers l’éternité. Ensemble ils ont conquis l’Himalaya, la quête de tout footballeur, un sommet que certains de leurs illustres prédécesseurs ou contemporains n’atteindront jamais. C’est fou, c’est dingue, c’est ouf, mais ce n’est certainement pas le casse du siècle. 6 victoires en 7 rencontres, des matches couperets tous gagnés sans avoir à jouer de prolongations, l’équipe de France n’a pas tout maîtrisé, à l’image de cette finale déconcertante contre la Croatie, mais gagnée avec deux buts d’avance, ce qui rend son titre et son sacre mondial indiscutables.
Cette équipe n’a pas révolutionné l’histoire du jeu, n’a pas émerveillé la planète foot, a pu irriter les puristes, mais elle a remis au goût du jour et bâti son succès sur deux fondations, basiques mais indispensables pour permettre à un groupe de concrétiser ses plus belles ambitions : le goût de l’effort collectif et un état d’esprit positif. Pour établir ce socle et faire adhérer tout un effectif dispersé toute l’année aux quatre coins de l’Europe, il faut un chef incontesté et rassembleur.
Un chef respecté et des leaders révélés
Je ne suis pas le premier fan de Didier Deschamps, mais il est indéniable que le parcours des Bleus et la victoire finale sont marqués de son sceau. Dès sa liste de 23, il avait réaffirmé son autorité en ne sélectionnant pas certaines individualités (Benzema, Rabiot, Lacazette), réclamées par les médias, qu’il jugeait peu compatibles avec l’expression collective et la vie de groupe d’une aventure en Coupe du Monde. Au lendemain de la peu convaincante entrée en matière contre l’Australie, il a su ensuite éveiller son groupe en stigmatisant le peu d’énergie et d’envie affichées et en l’alertant sur la future sortie de route à venir si les ego ne se mettaient pas au service de la quête collective.
Ce discours rassembleur aurait pu rester vain s’il n’avait pas trouvé de relais au sein des vingt-trois. Chaque aventure révélant des personnalités, des caractères, de nouveaux leaders se sont émancipés et ont été des points d’ancrage essentiels dans la communication de Deschamps et dans l’adhésion ds son groupe. En plus du capitaine Hugo Lloris, ultime rempart décisif tout au long de la compétition, trois meneurs se sont dévoilés au grand jour. Paul Pogba, si souvent irritant et nonchalant balle au pied, s’est ainsi affirmé dans le vestiaire et sur le terrain en délaissant les habits de lumière pour un bleu de chauffe qui a équilibré l’édifice tricolore avec son compère Kanté. Raphaël Varane est devenu un chef de défense respecté sur lequel sont venues se briser inexorablement toutes les offensives adverses, et Antoine Griezmann un leader de jeu en donnant progressivement le tempo tricolore sur le terrain.
Une toile défensive et le frelon Mbappé
Tactiquement, le sélectionneur s’est adapté et a très rapidement opté pour un 4-3-3 hybride où Matuidi est surtout venu renforcer l’entrejeu d’un bloc bas attirant les adversaires dans sa toile pour lancer ensuite le frelon Mbappé distiller son venin dans des contre-attaques supersoniques.
If Kylian keeps equalling my records like this I may have to dust my boots off again… // Se o @KMbappe continuar a igualar os meus records assim, eu vou ter que tirar a poeira das minhas chuteiras novamente…#WorldCupFinal https://t.co/GYWfMxPn7p
— Pelé (@Pele) 15 juillet 2018
Ce style de jeu, défensif, a été critiqué par nos adversaires belges ou croates. En se replongeant dans les souvenirs de notre enfance, on dira qu’il a une filiation plus directe avec l’Italie victorieuse de Paolo Rossi qu’avec la France enivrante de Michel Platini. Mais à une époque où le football des clubs a pris une telle place dans les calendriers, les sélections nationales doivent aller au plus vite pour être performantes et privilégient le pragmatisme à l’aléa de projets de jeu plus séduisants mais plus complexes à mettre en oeuvre.
S’il est catalogué, et ce n’est pas faux, comme un coach peu porté sur l’offensive, Deschamps n’en a pas moins fait preuve d’audace dans la composition de son équipe type. Il a notamment opté pour la jeunesse en confiant les couloirs défensifs à deux néophytes, quasi inconnus du grand public, Pavard et Hernandez. Et en confirmant Mbappé, malgré son mauvais match inaugural, dans son onze de départ. Ce pari de la jeunesse a particulièrement été payant contre l’Argentine où ce sont les jeunes qui ont retourné une situation mal embarquée au retour des vestiaires.
La jeunesse, l’état d’esprit, l’effort, l’effacement de l’ego au profit de la quête collective, au niveau marketing c’est probablement moins marquant que le triptyque Black-Blanc-Beur de 1998, mais ce sont des belles valeurs auxquelles le peuple français s’est identifié ces dernières semaines et auxquelles il pourra se raccrocher lorsque l’euphorie de la victoire se sera progressivement dissipée. Elle ne seront pas toujours synonymes de succès clinquants, mais elles forment de belles fondations pour l’accomplissement collectif d’un pays.