Journaliste passionné et acteur engagé du football depuis un demi-siècle, Didier Roustan nous a quittés dans la nuit de mardi à mercredi. Ayant eu la chance d’échanger avec lui ces dernières années, voici ces quelques lignes pour lui rendre hommage.
C’est une grande tristesse qui m’a atteint en fin de matinée en apprenant le décès de Didier Roustan. Didier n’était âgé que de 66 ans et ce n’est certainement pas l’âge pour mourir quand on cultive autant de projets et de créativité que ce passionné du ballon rond.
Sans que je ne me revendique absolument pas comme étant un de ses proches, j’avais besoin d’écrire pour le remercier pour la gentillesse et pour la bienveillance dont il m’a fait part et qui ont permis de faire grandir le site.
Du Covid à la Roustanie
Nos chemins se sont en effet croisés en 2020 et depuis nous avons appris à faire un peu connaissance. Cette rencontre est d’ailleurs assez ironique quand je repense aux critiques de mon papa dès que l’on regardait un match commenté par Didier Roustan. Je l’entends encore rouspéter et répéter qu’il allait écrire à France Télévisions pour ne plus qu’il soit à l’antenne :).
C’est le Covid ou plutôt ses conséquences qui nous ont mis en relation. J’avais acheté un billet pour assister à une conférence animée par Didier en compagnie d’anciens internationaux pour revivre les grands moments de l’Euro 1984 magnifiquement remporté par les Bleus de Michel Hidalgo et de Michel Platini. Cette conférence devait avoir lieu à Bordeaux en mai 2020, mais en raison de la pandémie du Covid elle fut reportée puis finalement annulée. N’ayant pas de nouvelles de l’organisateur, c’est en contactant directement Didier Roustan sur Twitter que celui-ci m’a tenu informé des péripéties rencontrées.
Et puis chemin faisant je lui ai parlé de l’existence du site AuCaféDesSports et de mon souhait de l’interviewer dans le cadre d’un podcast. Il s’est plié avec une remarquable disponibilité à l’exercice avec même des séquences enregistrées le dimanche tant cet homme pouvait parler de sa passion pour le football n’importe quel jour et à n’importe quelle heure ! Bien sûr j’étais intimidé de poser des questions à un des journalistes les plus capés mais c’est avec son habituelle bienveillance qu’il m’a mis à l’aise et qu’il s’est livré longuement sur sa carrière dans les médias puis dans le monde du football afin d’en faire bouger les contours sociaux.
La confiance aidant, il m’avait confié certains de ses projets professionnels, notamment la création de ce pays appelé la Roustanie, cette île imaginaire située en Amérique du Sud, son continent d’affection, où bien entendu le football est roi dans son élément le plus romantique. Il cherchait quelques budgets pour pouvoir non pas se dégager une rémunération à x chiffres mais pour pouvoir continuer de payer la production et l’équipe qui l’entourait. Et je l’avais mis en relation avec un célèbre site d’e-commerce avec lequel il avait conclu un partenariat. On en avait gardé une estime réciproque et ça m’avait marqué quand quelques mois plus tard il m’avait appelé pour prendre simplement de mes nouvelles après un changement de vie et de ville.
Puzzle, un ouvrage remarquable pour une vie de passionné
Après ce voyage en Roustanie, il avait choisi de se livrer pour la première fois dans un livre et de laisser une trace gravée de sa passion pour le ballon rond et de son amour inconditionnel pour le beau jeu incarné par le talent des Pelé, Cruyff, Platini et Maradona. « Puzzle », tel est son titre, retranscrivait certes la nostalgie qu’il éprouvait pour le football de naguère mais également les actions qu’il menait pour lutter contre ses dérives. Il avait très rapidement perçu depuis la Coupe du monde aux États-Unis en 1994 que le foot et ses acteurs étaient de plus en plus à la merci du pouvoir des médias. Il avait ainsi cherché à protéger les joueurs en créant le 1er syndicat mondial avec ses acolytes El Pibe de Oro et Eric Cantona pour mener un combat héroïque et forcément perdu face aux instances. Il avait ensuite créé « Foot Citoyen » avec Arsène Wenger et Lilian Thuram afin d’ériger le football, notamment dans sa pratique amateur, comme un formidable levier pour transmettre « des valeurs de citoyenneté à tous les pratiquants et passionnés ». Des aventures humaines menées loin de la sphère médiatique qu’il retrouvait à l’occasion en trônant sur l’Équipe du Soir dans son costume de Président à vie tant il avait contribué à l’émancipation de la chaîne L’Équipe.
De ce premier Puzzle qu’il m’avait offert accompagné d’un petit dessin solaire, il imaginait une suite et je la lui souhaitais tant l’écriture seyait à sa créativité. Qui d’autre que lui aurait pu en effet consacrer un chapitre à ce que serait devenue la vie d’un Aimé Jacquet battu en 1/8ème de finale de la Coupe du monde 1998, obligé de quitter la France et de s’exiler en Argentine pour regoûter à la quiétude. Une fiction de 40 pages que j’ai dévorée, bercé par une merveille d’écriture, de poésie et de spiritualité.
De Puzzle 2 ou 3, il n’y en aura pas malheureusement. J’envoie toutes mes pensées pleines d’affection à la famille et aux proches de Didier Roustan, et j’espère que cher Didier tu trouveras dans les cieux un terrain de jeu qui continuera d’animer ta passion.
Bien amicalement, François.