Alors que le Top 14 reprend ses droits ce week-end, c’est une saison bien périlleuse qu’attaque le rugby français en cette année précédant la prochaine Coupe du Monde. Meurtri cet été par le décès du jeune Aurillacois Louis Fajfrowski, toujours décevant au plan international et à la recherche de nouvelles vedettes, le rugby tricolore doit retrouver une légitimité sur le plan sportif et rassurer sur la protection de ses pratiquants. La tâche est ardue.
Tandis que son cousin footballeur a connu un été enchanté, le rugby français a vécu une bien triste intersaison.
En mai, il a pleuré le départ à la retraite de de toute une génération dorée qui a marqué son histoire depuis le début du XXIème siècle : Les Michalak, Rougerie, Clerc, and co. De grands joueurs mais également des personnalités qui ont développé sa notoriété en dehors des terrains.
En juin, il n’a pas brillé en Nouvelle-Zélande s’inclinant à 3 reprises sans jamais menacer les Blacks. L’effet Brunel se fait décidément attendre, alors que son prédécesseur Guy Novès avait été débarqué sans ménagement entre la dinde de Noël et les huîtres de la Saint-Sylvestre.
Enfin en juillet, il a été frappé par un tragique accident, tant redouté, avec le décès du joueur du Stade Aurillacois, Louis Fajfrowski, survenu brutalement lors d’un match amical contre Rodez.
Certes il a connu une très belle éclaircie avec le titre de champion du monde de ses moins de 20 ans, mais alors que l’élite professionnelle démarre une nouvelle saison ce week-end, avec à son terme la prochaine édition de la Coupe du Monde, l’enthousiasme est très mesuré.
Le rugby français doit avant tout protéger davantage ses pratiquants
Le rugby est devenu un sport de plus en plus destructeur où les affrontements ont pris le dessus sur les évitements, où les gabarits se sont développés avec le professionnalisme et des préparations physiques poussées. Vitesse, masse musculaire (le terme de dopage restant banni de toutes les disciplines sportives à l’exception du cyclisme et de l’athlétisme…) et résistance ont été renforcées, engendrant de plus en plus de puissance et de violence dans les collisions.
Les commotions cérébrales ont doublé ces cinq dernières années, aussi bien chez les professionnels que chez les amateurs avec des risques toujours plus élevés de futures affections neuro-dégénératives et de maladie d’Alzheimer.
Des « mesurettes » ont été prises avec par exemple l’adoption du carton bleu qui attribuera à l’arbitre toute priorité de sortir définitivement un joueur présentant tout signe évident de commotion cérébrale. Mais très peu de réflexions préventives encore sur les placages en haut du corps, sur la multiplication des zones de ruck, ou sur les cadences infernales du Top 14 (Castres a joué 35 rencontres en 2018, un rythme quasi intenable en rugby).
La menace de désaffection populaire est réelle. Les écoles de rugby redoutent d’ailleurs une baisse des licenciés face aux craintes des parents d’inscrire leurs enfants à un sport de plus en plus dangereux. Et le succès des footballeurs tricolores va probablement faciliter leur décision.
Place aux jeunes
La retraite de plusieurs joueurs emblématiques et les piètres résultats du XV de France sont une formidable opportunité de donner plus de temps de jeu et de visibilité à notre jeunesse prometteuse, championne du monde des moins de 20 ans en juin. Les Ntamack (Toulouse), Carbonel (Toulon), Woki (Bordeaux), Joseph (Racing) ont apporté un vent de fraîcheur en remettant au goût du jour un jeu fait de vitesse et d’initiatives.
Il faut qu’à présent ils puissent gagner du temps de jeu dans leurs clubs respectifs, continuer leur progression et devenir les figures de proue d’un rugby français qui puisse espérer gagner à nouveau.
Triompher chez les jeunes n’est pas une assurance de dominer le monde chez les plus grands, mais c’est un potentiel à ne pas gâcher d’évidence en prévision de la Coupe du Monde 2023 qui sera disputée en France.
On espère à présent que Bernard Laporte, qui cumulera à la rentrée les casquettes de président de la FFR et de chroniqueur TV chez Cyril Hanouna, trouvera un peu de temps pour méditer sur le futur d’un sport qui a bien besoin d’une gouvernance éclairée et sans faille. Là aussi la tâche s’annonce ardue.