La si tempérée planète golf est secouée par une tempête sans précédent. Face au lancement du lucratif “LIV Golf”, les meilleurs golfeurs mondiaux sont très divisés ! Vont-ils finir par céder à la tentation des pétrodollars saoudiens ? Décryptage.

Le golf mondial masculin est au bord de l’implosion, ou a peut-être même déjà implosé, à cause de l’argent. D’habitude c’est le manque de moyen qui provoque les crises mais aujourd’hui, c’est l’excès de dollars, l’excès de pétro dollars, des pétrodollars saoudiens.

L’Arabie Saoudite, plus lente que le Qatar à investir dans le sport, a passé la vitesse supérieure et s’est offert ces dernières années un grand prix de Formule 1, le Dakar, le rachat du club de foot anglais de Newcastle, et sème aujourd’hui la zizanie dans le monde bien rangé du golf.

Avant c’était pas simple, mais c’était plus clair !

Avant 2022, la situation était relativement limpide malgré un paysage de la planète compétition particulièrement diversifié.

En simplifiant, le golf mondial, c’est :

  • 4 Tournois du Grand Chelem encore appelés Majeurs, dont 3 sur le sol américain : les Masters d’Augusta, le PGA championship, l’US Open et The Open, qui se joue lui en Grande Bretagne, sont globalement ouverts au top 100 mondial et proposent des dotations très intéressantes. Plus de 10 millions de dollars sont distribués à chaque tournoi, dont plus de 2 millions reviennent au vainqueur.
  • le Tour Américain (PGA Tour), qui représente une série de 50 compétitions annuelles essentiellement jouées sur le territoire de l’oncle Sam. Chaque dimanche, un golfeur, américain le plus souvent (50 joueurs environ du top 100 mondial sont Américains), remporte un chèque dépassant 1 million de dollars et en fin de saison les 125 premiers sont reconduits pour la saison suivante. Même le 125ème a récolté plus de 1 million de dollars de gains sur la saison et peut vivre confortablement, tout en finançant un staff adapté à ses besoins.
  • le Tour Européen, désormais appelé DP World Tour, qui représente une série de 43 compétitions annuelles se déroulant en Europe et ailleurs. Deux fois moins bien doté que le tour américain, il sert de tremplin pour les joueurs européens espérant jouer sur le PGA tour.
  • d’autres Tours, comme le Asian tour ou le Korn Ferry tour, circuit américain d’accession au PGA tour.
https://twitter.com/TheOpen/status/1548724304904323076

Jusqu’à la pandémie, tout allait bien, ce système poli par les années ronronnait. Depuis la pandémie, financièrement, cela va encore mieux. Tous les tours augmentent leurs dotations, le PGA tour et le DP world tour travaillent ensemble pour multiplier les occasions de voir les meilleurs joueurs du monde évoluer sur les mêmes tournois.

Cela va tellement bien pour le golf que les Saoudiens ont décidé de s’inviter à la fête grâce à leur fonds public d’investissement dans le cadre de leur stratégie de “sport washing”, visant à faire oublier l’origine des fonds.

Maintenant on n’y comprend plus rien !

Le lancement du lucratif « LIV Golf »

Greg Norman, la légende australienne du golf, dominateur du jeu avant l’avènement de Tiger Woods à la fin du siècle dernier, cherchait depuis 30 ans à mettre en place un Tour en mesure de concurrencer le PGA tour. Quand les Saoudiens l’ont rencontré, Greg leur a expliqué ce qu’ils pouvaient faire de leurs milliards : créer une ligue de golf nouvelle formule, avec des stars du golf, quelques jeunes en devenir et un format original, sur 3 jours au lieu de 4 habituellement, comprenant également un classement par équipe. Les joueurs seraient payés une fortune proportionnelle à leur statut dans le golf mondial pour venir jouer le tournoi et une autre fortune, proportionnelle à leurs résultats lors du tournoi.

Elaborée et négociée en 2021, cette ligue, dite “LIV Golf” a été lancée en 2022, le nom « LIV » faisant référence aux chiffres romains 54, soit le nombre de trous à jouer lors des Tournois du LIV Tour.
Bien entendu, cela a fâché tout rouge les patrons du golf dont le règne durait depuis plus de 50 ans, à savoir les dirigeants du PGA tour et du DP world tour. Ces derniers ont donc menacé d’exclusion de leurs tours les joueurs osant aller jouer sur le “LIV golf”.

Malgré l’annonce de ces mesures coercitives, plusieurs joueurs de gros calibre sont partis dès le début de l’aventure, le 9 juin 2022 au Centurion golf club de Londres : Phil Mickelson, vainqueur de 6 grands chelems dont le dernier en 2021 ou Dustin Johnson, récent numéro 1 mondial établi pendant plusieurs mois. Mickelson a reçu 200 millions de dollars pour jouer ces quelques tournois, Johnson 150 millions. Outre les Etats-Unis, l’Afrique du Sud était aussi bien représentée, notamment par le vainqueur Charles Schwartzel. Il a ramené à la maison grâce à ce tournoi plus proche d’une exhibition que d’une compétition une belle coupe et 4 millions d’euros, soit 2 de plus que s’il avait remporté un tournoi majeur.

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La riposte des circuits traditionnels

Oui, les tournois du “LIV golf” ne sont finalement que des exhibitions, dans la mesure où ils ne permettent pas aux joueurs de remporter des points au classement mondial. Et sans point, ces joueurs ne pourront plus participer aux gros tournois, les plus prestigieux. D’autant que le PGA tour a immédiatement mis ses menaces à exécution, en empêchant les dissidents de revenir sur le tour américain. Côté européen, ça ne rigole pas non plus. A quelques mois de la Ryder Cup, la mythique compétition bisannuelle en équipe qui voit s’affronter les Américains d’un côté, les Européens de l’autre, le Suédois Henrik Stenson, capitaine des Européens, s’est vu démettre de ses fonctions dès l’annonce de sa signature avec le “LIV golf”, et il ne s’est pas fait que des amis.

Certains joueurs, globalement les plus jeunes, souhaitent faire aussi autre chose que des démonstrations grassement rémunérées. Nous sommes donc actuellement dans une situation de climat malsain avec joueurs sous contrat “LIV golf” poursuivant en justice le PGA tour pour de potentielles violations des lois antitrust du PGA tour, des joueurs qui négocient cachés avec les Saoudiens et des tournois dont on a du mal à identifier les têtes d’affiche avant le début de la compétition.

Des joueurs très divisés

Les joueurs sont très divisés sur le bien-fondé de cette ligue. Si certains suivent les conseils que s’est permis de donner Donald Trump : “Take the money”, comme le gaucher ancien vainqueur du Masters Bubba Watson qui a déclaré qu’après en avoir parlé avec sa femme, ils avaient opté pour les 50 millions de dollars, d’autres ont refusé des contrats pharaoniques pour ne pas perdre l’âme du golf, et la leur. Tiger Woods aurait refusé un contrat de 800 millions de dollasr ! Le Japonais Hidecki Matsuyama hésiterait, parce que 400 millions, ça ne tombe pas tous les jours dans l’escarcelle et après tout, il ne va pas mourir s’il ne joue plus sur le PGA tour et ne peut plus se qualifier pour les 4 Majeurs.

Tiger Woods n'a pas cédé aux pétrodollars du LIV golf et aide le PGA tour à trouver des solutions.
Tiger Woods n’a pas cédé aux pétrodollars du LIV golf et aide le PGA tour à trouver des solutions.

Demain tout va s’arranger

Pourquoi cela irait mieux demain ? D’abord parce que le PGA Tour a déjà pris des mesures pour 2023 visant à mieux rémunérer ses joueurs. Fuite en avant ou pas, les joueurs vont significativement mieux gagner leur vie qu’avant la pandémie. Comme quoi l’inflation sa cache partout ! Jouer sur le PGA tour restera une sécurité d’exercer dans de très bonnes conditions son métier de golfeur avec un programme annuel de tournois complet, la possibilité de se qualifier pour les 4 rendez-vous majeurs au sein d’une institution vieille de plus de 50 ans. Tiger Woods et Rory McIlroy sont deux ambassadeurs de poids pour ce circuit. Les golfeurs en devenir et ceux au sommet de leur art devraient donc rester. Ceux dont la plus grande partie de la carrière est derrière eux pourraient voir les choses autrement.

Ensuite parce que la “LIV Golf” serait en train de négocier une affiliation avec l’Asian Tour afin que ses tournois rapportent des points mondiaux. Cela permettra à ses membres de pouvoir se qualifier pour les 4 tournois majeurs et assurer ainsi chaque année 4 événements rassemblant tous les meilleurs golfeurs du monde.

Enfin parce que dans le golf comme ailleurs, tout change, les crises se succèdent et de nouveaux équilibres se créent !