La LFP a acté jeudi la fin de la saison 2019-2020 et prononcé le classement final de la Ligue 1. Paris est sacré, Marseille et Rennes qualifiés en Ligue des Champions, Amiens et Toulouse relégués. Une décision qui ne fait pas que des heureux (Lille, Lyon, Amiens notamment) et qui nous amène à étudier l’équité du classement établi par la Ligue en le comparant avec six autres méthodes de classement.
Le classement final de la LFP
Pour établir son classement, la Ligue de Football Professionnel a pris en compte tous les matchs joués cette saison, soit 279 rencontres (la totalité des 27 premières journées + les 9 matches disputés lors de la 28ème journée, la rencontre Strasbourg-Paris SG avait été reportée en raison de l’épidémie de coronavirus qui commençait à sévir dans l’Est de la France).
Le classement final de la LFP a été ensuite fixé en calculant pour chaque club le quotient des points marqués par le nombre de matchs joués.
Suivant cette méthode :
– le PSG est sacré Champion de France avec une moyenne de 2,52 points/match
– l’OM (2 points/match) et Rennes (1.79 point/match) sont qualifiés pour la prochaine Ligue des Champions
– Lille (1.75 point/match) est qualifié pour la Ligue Europa
– Nice (1.46 point/match) et Reims (1.46 point/match) sont qualifiés en Ligue Europa en attendant l’éventuelle tenue des finales de la Coupe de France et de la Coupe de la Ligue, et le résultat de ces finales
– Amiens (0.82 point/match) et Toulouse (0.46 point/match) sont relégués en Ligue 2
– Enfin Lorient et Lille sont promus en Ligue 1
Une méthode qui a le mérite de la simplicité, mais qui fait des mécontents
Cette méthode a clairement le mérite de la simplicité (calcul d’une moyenne de points comme on calculerait une moyenne de notes scolaires) et de mettre fin au débat de la prise en compte d’un classement arrêté à la 27ème journée (dernière journée entièrement disputée) ou à la 28ème journée (ultime journée en date mais qui aurait amputé Strasbourg et le Paris SG d’un résultat à prendre en compte).
Mais elle fait son lot de mécontents : Lille qui aurait rêvé de disputer une nouvelle LDC si importante pour son modèle économique, Lyon privé de Coupe d’Europe pour la première fois depuis 1997, Monaco qui ne jouera pas d’épreuve continentale pour la deuxième saison consécutive, Amiens qui voulait se battre jusqu’au bout pour sauver sa place et enfin Toulouse en quête d’un nouveau miracle après celui de 2016.
Sont alors évoquées comme parades, un Championnat qui n’est pas allé à son terme, où des clubs se sont déplacés plus que d’autres, où certains n’avaient pas encore affronté au retour l’ogre parisien, où quelques-uns avaient un calendrier très favorable, etc.
Bref des arguments qui nous ont amené à établir plusieurs classements pour prendre en considération ces griefs et mesurer si ces doléances pouvaient avoir une incidence réelle sur le classement final.
6 approches pour mesurer l’équité du classement de la LFP
Bien entendu rien ne remplacera la vérité du terrain et ce travail a uniquement la motivation d’apporter un éclairage mathématique sur une saison qui ne sera malheureusement pas allée à son terme.
En plus du classement de la LFP, 6 autres classements ont été établis :
– classement à la moyenne de points inscrits à domicile et à l’extérieur, pour ne pas pénaliser un club qui se serait plus déplacé qu’il n’aurait reçu
– classement à la moyenne anglaise : même logique que la méthode précédente de ne pas tenir compte du déséquilibre en cours de saison entre le nombre de matchs joués à domicile et à l’extérieur, mais en intégrant en prime un système de malus et de bonus
– classement à la moyenne de points en face en face du site L’Equipe, visant à résoudre la possible iniquité du calendrier (par exemple un club qui aurait déjà affronté à deux reprises le PSG) en établissant pour chaque club une moyenne des points obtenus contre chacun de ses opposants
– classement en simulant les journées 29 à 38 : pour les 101 rencontres non jouées, nous avons simulé les points obtenus par chaque équipe en nous basant sur ses performances de la saison à domicile et à l’extérieur
– classement en simulant les journées 29 à 38 avec l’exception PSG : même méthode mais en appliquant une exception pour les matches de l’ogre Parisien invaincu en Ligue 1 depuis le 1er novembre et dont la prise en compte de résultats passés pourrait fausser les simulations (3 défaites lors des 12 premières journées)
– classement en simulant les journées 29 à 38 avec les exceptions PSG et Toulouse : ultime variante en intégrant également une règle spéciale pour le bonnet d’âne Toulousain qui a pris 1 seul point sur ses 18 derniers matchs et dont la prise en compte de résultats passés pourrait également fausser les simulations (3 victoires lors des 10 premières journées)
Classement à la moyenne des points inscrits à domicile et à l’extérieur
Un des biais de la méthode retenue par la Ligue pour établir son classement est la non prise en compte du nombre de réceptions et de déplacements de chaque club lors des 28 premières journées ; Lyon, Bordeaux et Toulouse se sont ainsi déplacés à 15 reprises et n’ont reçu que 13 fois. A l’inverse, Lille, Nice et Angers ont déjà joué 15 rencontres à la maison.
Pour neutraliser cet effet, la méthode proposée réside à calculer pour chaque équipe la moyenne de points glanés à domicile et à l’extérieur, puis à faire la somme des deux moyennes obtenues.
A titre d’exemple, le PSG a obtenu 37 points en 14 réceptions au Parc des Princes (soit une moyenne de 2.643) et 31 points en 13 visites à l’extérieur (soit une moyenne de 2.385) ; ce qui donne au final une somme de 5.027 (2.643+2.385).
Cette méthode présente au final peu d’écarts avec le classement de la LFP : Reims et Nice intervertiraient leurs rangs mais resteraient tous deux en position de qualifiés pour la Ligue Europa. Tandis que Nantes et Bordeaux en feraient de même dans le ventre mou.
Classement à la moyenne anglaise
Comme la précédente méthode, la moyenne anglaise est une méthode de calcul qui vise à neutraliser le nombre de matchs joués à domicile et à l’extérieur par chaque équipe. Elle intègre en prime un système de malus/bonus pour les résultats obtenus à domicile (logiquement favorables au club hôte) et à l’extérieur (par nature plus difficiles à récolter que devant son public).
Le barème suivant est ainsi appliqué :
A domicile :
– en cas de victoire, 0 point inscrit au lieu de 3 points
– en cas de match nul, -2 points inscrits au lieu de 1
– en cas de défaite, -3 points inscrits au lieu de 0
A l’extérieur :
– en cas de victoire, 2 points inscrits au lieu de 3 points
– en cas de match nul, 0 point inscrit au lieu de 1
– en cas de défaite, -1 point inscrit au lieu de 0
A titre d’exemple, l’OM obtient un « malus » de -14 points pour ses réceptions au Vélodrome (8 victoires = 0 point, 4 nuls = -8 points, 2 défaites = -6 points) et un « bonus » de +14 points pour ses déplacements (8 succès = 16 points, 4 nuls = 0 point, 2 défaites = -2 points), soit un score net de 0 point (= -14 + 14).
A noter que nous avons au final converti les points obtenus en une moyenne pour tenir compte de l’écart de matches disputés par Strasbourg et le PSG (27) et par les autres équipes (28).
Plus utilisée au rugby qu’au football, cette méthode, en valorisant les performances obtenues à l’extérieur, réserve quelques surprises. Elle permettrait ainsi à l’OL de décrocher une place européenne alors que Nice apparaît comme le grand perdant de cette approche.
Enfin Strasbourg gagnerait 3 places mais aurait retrouvé son 10ème rang en cas de tout autre résultat qu’une victoire face au PSG.
Classement à la moyenne de points en face à face de l’Equipe
Le site LEQUIPE.FR a opté pour une autre méthode afin d’établir le classement final de la saison 2019-2020. Afin de contourner la possible iniquité du calendrier (par exemple un club qui aurait déjà affronté à deux reprises le PSG), une moyenne des points obtenus contre chacun de ses opposants est calculée pour chaque club, puis la somme des 19 ratios obtenus est effectuée pour déterminer le nombre total de points.
A titre d’exemple, prenons les oppositions ayant eu lieu cette saison entre Lyon et Bordeaux. Le match aller avait vu les équipes se partager les points (1-1) alors que l’OL s’était imposé au retour en Gironde (2-1). Les Lyonnais ont donc empoché 4 points sur cette double confrontation, les Aquitains 1 point. La méthode de lequipe.fr attribue alors un ratio de 2 points à Lyon (4 points/2 matches) et de 0.5 point aux Girondins (1 point/2 matches).
Cette approche crée de grands bouleversements dans le classement, notamment dans l’attribution des places européennes.
– Rennes et Marseille intervertiraient leurs places sur le podium, les Rennais seraient ainsi directement qualifiés pour la phase des groupes de la LDC
– Nantes obtiendrait une qualification surprise pour la prochaine Ligue Europa aux dépens des Niçois qui chuteraient de 8 places (!)
Le Stade Rennais, tout comme Reims qui passerait 5ème, profitent indiscutablement d’un biais de cette méthode. Vainqueurs du PSG à l’aller et n’ayant pas affronté le club parisien lors des matches retours, l’approche de l’Equipe leur attribue par défaut un ratio de 3 points acquis lors de leur confrontation avec le leader (et considère donc qu’ils se seraient imposés au retour comme à l’aller). Alors que dans le même temps, l’OM, défait au Parc fin octobre, et qui devait recevoir pour le Classico retour lors de la 30ème journée, récolte une moyenne de 0 point.
Classement en simulant les journées 29 à 38
L’établissement d’un classement à l’issue d’une fin de saison tronquée est bien entendu le principal grief des présidents de clubs déçus du verdict final de la LFP. Les Lillois étaient convaincus d’être en mesure de doubler les Rennais dans la dernière ligne droite, les Lyonnais de décrocher sur le fil une place européenne, alors que les Amiénois voulaient refaire leur retard sur les Nîmois.
Nous sommes donc amusés à simuler les points qu’aurait obtenu chacun des clubs lors des 101 rencontres restant à disputer. Pour ce faire, nous avons utilisé une méthode statistique assez basique :
– pour le club recevant, nous avons calculé sur la base de ses rencontres préalablement disputées à domicile le nombre de points qu’il a récoltés en moyenne, et le nombre de points obtenus en moyenne par son visiteur
– de même pour le club se déplaçant, nous avons calculé sur la base de ses précédents déplacements, le nombre de points qu’il a récoltés en moyenne, et le nombre de points obtenus en moyenne par son hôte.
Prenons à titre d’exemple la rencontre de la 29ème journée qui aurait dû opposer Montpellier à Marseille.
Lors de leurs 14 précédentes rencontres à la Mosson, les Héraultais ont obtenu 32 points (10 succès, 2 nuls, 2 défaites) soit une moyenne de 2.29 points récoltés contre une moyenne de 0.57 point concédée à leurs visiteurs (8 points / 14 matches).
Quant aux Phocéens, ils ont glané 28 points lors de leurs 14 déplacements cette saison (8 succès, 4 nuls, 2 défaites). Ce qui leur octroie une moyenne de 2 points récoltés à l’extérieur contre 0.71 point concédé à leurs hôtes (10 points / 14 matches).
La simulation pour cette rencontre va octroyer une estimation de :
– 1.50 point gagné pour Montpellier (la moyenne entre 2.29 habituellement obtenus à domicile et 0.71 que concèdent les Marseillais en déplacement).
– et de 1.29 pour l’OM (la moyenne entre 2 points engrangés par les Olympiens à l’extérieur et 0.57 qu’abandonnent les Montpelliérains à leurs visiteurs).
Les 101 matches à disputer ont été ainsi simulés et donnent le classement suivant :
Cette simulation permet notamment à Lyon, à qui il restait 6 matches à disputer à domcile, d’accrocher le dernier accessit européen au détriment de Reims. Alors que dans la seconde partie du classement, Nantes, Metz et Saint-Etienne gagnent un rang aux dépens respectivement de Bordeaux, Brest et Dijon.
Classement en simulant les journées 29 à 38, avec l’exception Parisienne
Il s’agit de la même méthode utilisée pour simuler les points des 101 rencontres restantes mais en traitant distinctement les matches non disputés par le PSG.
Pourquoi cette exception parisienne ? Pour deux raisons :
– Paris était dans une dynamique de résultats très favorable au moment de l’arrêt de la compétition (14 victoires et 2 nuls depuis le 1er novembre)
– la prise en compte de résultats du début de saison (3 défaites lors des 12 premières journées) pourrait fausser la simulation (en majorant légèrement les estimations de points pour les adversaires du PSG des 10 dernières journées) et servir d’argument aux clubs vaincus sur le terrain par le club de la Capitale
Pour appliquer cette exception, nous avons établi les règles suivantes :
– tous les matchs restant à disputer pour le PSG sont donnés par défaut gagnants au club parisien
– la méthode statistique des points récoltés et concédés en moyenne par les clubs recevant et se déplaçant est recalculée en excluant les matches disputés face au PSG
– sauf, afin de ne pas les pénaliser, pour les clubs ayant obtenu de bons résultats face au leader du championnat (ses 3 tombeurs : Rennes, Reims et Dijon, les 2 qui l’ont accroché : Monaco et Amiens)
Les 101 matches à disputer ont été ainsi à nouveau simulés et donnent le classement suivant :
Cette variante apporte son lot de bouleversements pour les places européennes. Comme dans la simulation précédente, Lyon serait confirmé en Ligue Europa et serait accompagné de Montpellier qui prendrait la place de Nice, relégué à la 8ème place.
L’exception parisienne dessert en effet les Niçois, considérés comme automatiquement battus au Parc lors de la 29ème journée, alors qu’elle n’a pas d’incidence pour les Montpelliérains qui ont déjà affronté à deux reprises le PSG cette saison.
Classement en simulant les journées 29 à 38, avec les exceptions Parisienne et Toulousaine
Nouvelle variante cette fois pour simuler les points des 101 rencontres restantes mais en traitant distinctement les matches non disputés par le PSG ainsi que par le Toulouse FC.
Pourquoi ajouter une exception toulousaine à l’exception parisienne ? Pour deux raisons :
– à l’inverse de Paris, Toulouse était dans une dynamique de résultats très négative au moment de l’arrêt de la compétition (17 défaites et 1 nul)
– la prise en compte de résultats du début de saison (3 victoires lors des 10 premières journées) pourrait fausser la simulation (en minorant légèrement les estimations de points pour les adversaires du TFC des 10 dernières journées) et servir d’argument aux clubs qui devaient encore affronter le club haut-garonnais
Pour appliquer cette deuxième exception, nous avons ajouté les règles suivantes :
– tous les matchs restant à disputer pour le TFC sont donnés par défaut perdus au club toulousain
– la méthode statistique des points récoltés et concédés en moyenne par les clubs recevant et se déplaçant est recalculée en excluant les matches disputés face au TFC
Les 101 matches à disputer ont été simulés en intégrant ces deux exceptions et donnent le classement suivant :
Cette dernière variante confirme les places européennes que décrocheraient Montpellier et Lyon. Le MHSC, qui bénéficie d’une victoire automatique à Toulouse lors de la 38ème journée, passerait même devant l’OL au classement. Dans le ventre mou, Nantes accrocherait une place dans le top 10 au détriment de Strasbourg.
Synthèse des classements
Quel résumé peut-on faire en récapitulant les 6 autres classements établis en complément du classement final de la LFP ?
Marseille et Rennes solides qualifiés pour la Ligue des Champions, des surprises en Ligue Europa
Tout d’abord, en dehors de l’indiscutable leader Parisien, l’OM et Rennes sont confirmés en Ligue des Champions quelque soit la méthode retenue.
En revanche il y a un match à 4 pour accompagner Lille en Ligue Europa, entre d’un côté Nice et Reims, qualifiés par la LFP, et Lyon et Montpellier de l’autre (en écartant le classement de lequipe.fr qui présente un biais trop important comme illustré ci-dessus.)
– L’OL, avec un calendrier considéré comme statistiquement plus favorable lors des 10 dernières journées, figure 4 fois sur 5 parmi les qualifiés européens
– Nice est qualifié dans 2 cas de figure, tout comme Reims et Montpellier
Ces résultats pourraient donner du grain à moudre au président Aulas en quête d’un scénario qui pourrait envoyer ses joueurs en Coupe d’Europe. Alors que l’on peut saluer la réaction du patron de Montpellier, Laurent Nicollin, fidèle à l’héritage de son papa, qui a accepté avec classe le verdict rendu par la LFP.
Pas de miracle pour Amiens
En bas de classement, aucune des méthodes utilisées ne permet au club picard de sauver sa place en Ligue 1.
Epilogue
Ce travail, comme expliqué en début d’exercice, a uniquement la motivation d’apporter une réponse mathématique à une fin de saison malheureusement tronquée.
Rien n’aurait remplacé la vérité du terrain, fâcheusement abrégée par le Covid-19. Ainsi aucune méthode statistique n’aurait pu prévoir en 2016 que Toulouse remonterait un passif de 10 points sur les 10 dernières journées. De même il est mathématiquement impossible de présager de la motivation pour les joutes domestiques au printemps du leader Parisien qui, muni d’une avance considérable, aurait pu prioriser son rêve de conquête européenne.
Cette analyse confirme en grande largeur le classement établi par la LFP, mais soulève cependant deux interrogations et nous amène à effectuer deux propositions :
– la lutte pour les places 5 et 6 qualificatives pour la Ligue Europa s’annonçait bien indécise ; alors pourquoi ne pas prévoir à la reprise, à l’instar des phases finales du rugby, un barrage d’accès à l’Europe sur un seul match entre le 5ème Nice et le 8ème Montpellier à l’Allianz Riviera, et entre le 6ème Reims et le 7ème Lyon au Stade Auguste-Delaune ? Excitant !
– la mathématique ou la statistique ayant ses limites (imprévisibilité de la remontada toulousaine en 2016), pourquoi ne pas octroyer le bénéfice du doute au relégué Amiénois (plutôt qu’au cancre Toulousain) et valider une saison 2020-2021 à 22 clubs ? Une formule avec 4 descentes en fin de saison ne manquerait en effet pas de piment, mais ne devrait satisfaire ni la LFP pour des raisons calendaires ni les clubs qui, pour la plupart en mauvaise posture financière, devraient refuser de diviser la précieuse manne des droits TV en deux parts supplémentaires. Dommage !
Et vous qu’en pensez-vous ? N’hésitez pas à laisser vos commentaires !