Alors que l’Aviron Bayonnais termine sa saison dans le ventre mou de la Pro D2 et que le Biarritz Olympique devra réaliser une série d’exploits pour retrouver le Top 14, les deux clubs phares du rugby basque connaissent un printemps bien agité en coulisses sur fond de gouvernance précaire, de déficit budgétaire et de l’éternel serpent de mer de la fusion. Douloureuse réalité pour une terre désormais reléguée de l’élite nationale.
Il est un temps récent où le Pays Basque avait deux bastions solidement ancrés dans l’élite française de l’ovalie. D’un côté Bayonne, la populaire et festive, véritable poumon du bassin de l’Adour. Et de l’autre Biarritz, la séduisante et guindée, station balnéaire prisée de la Côte.
Ses joueurs de rugby étaient ses vedettes, et elles portaient haut les couleurs de leur club mais aussi celles du maillot Bleu. De Blanco, Lagisquet, Ondarts, Gonzalez à Harinordoquy, Yachvili ou encore Spedding, les clubs basques ont fourni de nombreux internationaux au XV de France ces dernières décennies, symbole d’une époque bénie où le Biarritz Olympique jouait chaque saison les premiers rôles dans le Top 14 et où l’Aviron Bayonnais arrivait à se maintenir dans l’élite et faisait de Jean Dauger l’une des enceintes les plus chaudes de l’Hexagone.
Et puis au tournant des années 2010, le temps s’est obscurci
Le rugby, devenu le deuxième sport médiatisé du pays, a été progressivement le nouvel objet de conquête de milliardaires (Altrad, Lorenzetti) et de métropoles (Lyon, Bordeaux) qui n’ont pas voulu manquer le passage de ce train lancé à pleine vitesse. La concurrence s’est renforcée, les salaires se sont envolés, et les clubs basques ont commencé à tirer la langue.
C’est Biarritz, qui a lâché la première en 2014, victime à la fois du départ à la retraite de sa génération dorée des Yachvili, Harinordoquy et Traille, mais aussi du retrait de son très généreux mécène, Serge Kampf, qui avait longtemps permis au club d’équilibrer ses budgets en fin de saison.
Bayonne a cédé l’année suivante en 2015. Elle a certes retrouvé l’élite entre temps l’an passé mais pour un aller-retour express. Ses dernières saisons en Top 14 ont surtout été marquées par les instabilités rencontrées hors du terrain avec des changements incessants d’organigramme à sa tête entre Alain Afflelou, Francis Salagoïty, et même un temps Bernard Laporte, et également sur le terrain avec des recrutements ronflants mais à faible rendement (tels le Gallois Phillips et le All Black Tialata) et des entraîneurs sans cesse sur la sellette.
Aujourd’hui les deux sœurs rivales du Pays Basque fréquentent la Pro D2, antichambre de l’élite, et ont du mal à y jouer les premiers rôles.
L’Aviron va terminer sa saison dès la mi-avril dans le ventre mou du classement, alors que le BO, mieux loti, devra passer la téméraire épreuve des barrages puis des phases finales pour espérer retrouver le Top 14.
Si le bilan sportif n’est pas des plus reluisants, les principales préoccupations restent économiques pour les deux clubs, notamment pour les biarrots. Le déficit cumulé est estimé à 2.2M€, avec notamment 1.5M€ de trou à combler pour Biarritz qui vient de connaitre une nouvelle crise de présidence avec le départ de l’ex-international Nicolas Brusque début février puis de son successeur Benjamin Gufflet fin mars. Coté bayonnais, la présidence est vacante depuis le départ de Francis Salagoïty fin mars sur fond de tension avec les supporters après la réapparition du projet de fusion avec le voisin et ennemi biarrot.
A chaque nouvelle difficulté financière, c’est l’éternel serpent de mer qui ressurgit, qui agite et réunit les supporters des deux camps, majoritairement opposés à cette fusion.
Moins de 5 kilomètres séparent les stades d’Aguiléra et de Jean Dauger, et c’est pourtant un gouffre pour leurs aficionados qui, à l’heure des nombreux projets d’intercommunalités réunissant Bayonne Anglet et Biarritz, ont encore le rugby pour se mesurer et se chamailler.
Mais jusqu’à quand ce sentiment dominera et annihilera tout projet de rapprochement entre deux clubs à présent relégués dans la hiérarchie nationale ?
Le rugby moderne a perdu toute notion de sentimentalisme et les rétrogradations d’Auch, Bourgoin, Tarbes, Narbonne ou Dax ces dernières années en sont un exemple cinglant. Si elles veulent à tout prix retrouver l’élite et en finir avec une fragilité économique récurrente, les voisines basques auront peut-être des concessions à faire. Dures mais inévitables.
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