Deuxième du Tournoi des 6 Nations, le XV de France est encore passé à côté d’une victoire qui lui échappe depuis 2010. Une cruelle déception pour l’auto-proclamé favori et ses têtes de gondoles plébiscitées par les médias. Un gros raffut signé par le camarade @a_relance.

Un résultat final décevant

Voilà le Tournoi des VI Nations vient de se terminer et la France doit se contenter d’une seconde place fort décevante à l’arrivée. Statistiquement, il n’y a rien d’infâmant à être deuxième, mais 3 victoires et 2 défaites c’est quand même moyen à bien y regarder. Surtout lorsque l’on est annoncé comme LE favori de cette édition ou que l’on s’annonce soi-même, ce qui est plus gênant…

Défaits par les Ecossais, les Bleus ont fini à une décevante 2ème place.
Défaits par les Ecossais, les Bleus ont fini à une décevante 2ème place. ©Icon Sport

Bien sûr cette équipe et ce sélectionneur ont fait vibrer la France entière en lui redonnant de l’espoir et une légitime fierté que de rejouer à nouveau dans la cour des très grands. Et ce n’était pas une mince affaire, merci donc au groupe, staff et joueurs réunis.
Bien sûr les matches ont tous été serrés et les dernières minutes ont fait basculer le sort des 3 rencontres les plus intenses : contre l’Angleterre, le Pays de Galles et l’Ecosse.

Des têtes de gondoles qui ont déjoué

Mais au-delà de toute débauche d’énergie et de démonstration de muscles, le rugby se joue aussi avec la tête, avec un projet de jeu bien défini et des cerveaux pour l’exécuter.
Au risque d’écorner un peu le mythe que l’on est en train de construire, il y a un pas entre un plébiscite médiatique ou la vente à tout prix de nos « têtes de gondoles » et leur réel impact sur le terrain.
Prenons l’exemple de notre triangle de feu des lignes arrières : Antoine Dupont, Romain Ntamack et Brice Dulin.
Les 3 ont été systématiquement encensés dans les médias, réclamés, je dirai presque « sélectionnés » dans les journaux d’abord, puis confirmés par le staff tricolore ensuite. Or tous les 3 ont raté leur match face à l’Ecosse et dans les grandes largeurs.

Dupont, stratège ou puncheur ?

Tout d’abord l’annoncé « meilleur joueur du monde » Antoine Dupont.
C’est un puncheur exceptionnel, un monstre de vivacité, d’explosivité et de puissance qui n’a pas son pareil pour créer des brèches dans les défenses. Sauf que dans les 3 matches les plus serrés il n’a pas été exceptionnel, il n’a aucunement pesé sur les débats. Gâchant même face à l’Ecosse par un choix contestable une belle opportunité d’essai.

Le virevoltant Antoine Dupont a peu pesé sur le dénouement des 3 derniers matches des Bleus.
Le virevoltant Antoine Dupont a peu pesé sur le dénouement des 3 derniers matches des Bleus. ©Sipa

Question : la stratégie de jeu a toujours été initiée en France par nos demis de mêlées légendaires : de Fouroux à Gallion, de Berbizier à Galthié, oui vous savez notre sélectionneur ! 
Antoine Dupont est-il de cette trempe au niveau tactique ? 
Sur ce qu’il a montré dans ce Tournoi la réponse est non. Sa jeunesse nous laissant augurer qu’il prenne une nouvelle dimension à l’avenir dans ce domaine.
Allons plus loin dans la provocation : ses qualités physiques extraordinaires ne seraient-elle pas mieux employés ailleurs, là où le muscle prend bien plus le pas sur la pensée ? 
Premier centre ou second centre pour faire parler son explosivité et sa capacité à créer des brèches dans une défense ? Et ne pas lui laisser la responsabilité d’organiser le jeu ? 
Le débat est lancé ou pourrait-il seulement être ouvert sans se faire incendier ?

Ntamack, titulaire des médias ?

Place à son compère de la charnière toulousaine Romain Ntamack maintenant.
Lui aussi a raté son match contre l’Ecosse bien qu’annoncé comme le messie, le dépositaire du jeu tricolore, sur la lancée de son très beau Tournoi 2020. Il relevait de blessure et manquait cruellement de compétitivité, c’est un fait.
Mais il faut reconnaître que les performances de Matthieu Jalibert qui l’avait précédé lors des 4 premiers matches ont été remarquables.
Malheureusement blessé face aux Gallois, il avait démontré jusqu’à présent de bien meilleures dispositions que Ntamack pour conduire l’attaque des Bleus, pour alterner jeu au pied parfait et attaque de la ligne de défense qu’il franchissait avec plus de mordant et de vivacité.

Revenu de blessure, Romain Ntamack a très rapidement repris sa place à l'ouverture du XV de France.
Revenu de blessure, Romain Ntamack a très rapidement repris sa place à l’ouverture du XV de France. ©AFP-Franck Fife

Sauf que dès que Romain Ntamack a été rétabli, soit au milieu du Tournoi, la presse réclamait déjà sa sélection ou du moins ouvrait le débat alors même que les performances de Matthieu Jalibert étaient remarquables et qu’il aurait fallu le soutenir et le conforter…
Si le demi d’ouverture toulousain a eu la grande mansuétude, voire la complicité affichée des médias, il y en a bien un qui n’a pas eu cette même chance.

La coqueluche Dulin et l’éclipse Bouthier

L’arrière montpelliérain Anthony Bouthier, comme Romain Ntamack, avait réalisé un Tournoi 2020 exceptionnel, en étant la révélation française de cette édition.
Lui aussi avait perdu sa place sur blessure mais curieusement, alors même qu’il était rétabli, il ne lui a pas été donné la même chance qu’au Toulousain.
Nul n’a réclamé son retour en sélection, nul n’a ouvert le débat… Etrange amnésie médiatique alors qu’une campagne énergique a été faite pour la titularisation de Brice Dulin dès le premier match des Bleus en 2021.
Au prétexte que le club du Montpellier Hérault Rugby était mal placé en championnat, à vrai dire il est beaucoup moins vendeur et apprécié dans les médias que le légendaire Stade Toulousain ou que la nouvelle coqueluche rochelaise… 

En moins de 4 mois, Brice Dulin a étonnamment éteint toute concurrence au poste d'arrière.
En moins de 4 mois, Brice Dulin a étonnamment éteint toute concurrence au poste d’arrière. ©World Rugby

Brice Dulin a réalisé de belles performances mais s’est vautré lors du dernier match décisif, tant dans le jeu aérien que sur son dernier choix crucifiant les Bleus.
Et ce pauvre Anthony Bouthier qui a alterné présence dans les tribunes et sur le banc de touche, sans même disputer une seule minute de jeu, ce qui paraît ahurissant…

Voilà 3 exemples qui démontrent qu’entre la perfection médiatique que l’on nous vend et la réalité du terrain, parfois l’écart est important. Et qu’il convient de définir une stratégie de jeu bien identifiée, assumée, et de sélectionner les joueurs capables de l’appliquer et de garder la tête froide quand l’air devient irrespirable.
Et l’on constatera alors peut-être que les chouchous des médias ne sont pas forcément les noms qui sortiront en premier…

@a_relance