Le Conseil d’Etat a validé mardi la fin de saison de Ligue 1 mais a également décidé de suspendre la relégation d’Amiens et de Toulouse. Le juge des référés a ainsi ordonné à la Ligue de football professionnel de réexaminer la question du format de la Ligue 1 pour la saison 2020-2021, rendant ainsi plausible le scénario d’une compétition à 22 clubs pour la reprise en août prochain.
Un vide de règlement
La cour administrative suprême a donc tranché. Si elle a douché les velléités de reprise de la saison 2019-2020 de l’omniprésent Jean-Michel Aulas, elle a relancé les espoirs de maintien amiénois et toulousains en suspendant la relégation des 2 clubs qui avait été décidée par le conseil d’administration de la Ligue le 30 avril dernier.
Pour justifier sa décision, le juge des référés met en exergue un vide de règlement pour régir la saison sportive 2020-2021. L’actuelle convention, conclue entre la Ligue et la FFF, prévoit en effet une limite de 20 clubs en L1 (validant ainsi les descentes d’Amiens et de Toulouse) mais prend fin le 30 juin prochain sans qu’aucune nouvelle convention n’ait été signée à ce jour pour les saisons ultérieures. C’est face à ce vide juridique que le juge Bertrand Dacosta a ordonné à la Ligue, « en lien avec les instances compétentes de la FFF, de réexaminer la question du format de la Ligue 1 pour la saison 2020-2021 ».
Il faut être cependant prudent dans l’interprétation de cette ordonnance : la suspension de la relégation du Amiens SC et du TFC ne signifie pas automatiquement que les 2 clubs seront présents à la reprise de la Ligue 1 en août prochain. La LFP, en accord avec la FFF, va vraisemblablement essayer de refaire voter une nouvelle convention pour maintenir la limite de 20 clubs pour les prochaines saisons de L1.
Néanmoins, la ficelle serait un peu grosse tant l’erreur est manifeste et que plusieurs éléments semblent aller dans la voie d’une Ligue 1 réunissant 22 clubs la saison prochaine.
Un calendrier adaptable
Initialement la saison 2020-2021 de L1 doit débuter le 23 août prochain. Néanmoins l’amélioration de la situation sanitaire pourrait autoriser un démarrage anticipé de la saison et de l’avancer au 1er août. La reprise de l’entrainement prévue dans les clubs ces prochains jours laisserait ainsi 5 semaines aux effectifs pour être prêts pour début août, ce qui est largement suffisant.
En démarrant le 1er août au lieu du 23, le calendrier permettrait ainsi d’intégrer a minima 3 des 4 journées nécessaires pour valider le passage à 22 clubs la saison prochaine. Resterait uniquement à caser une 4ème date, ce qui ne devrait pas rencontrer d’obstacle majeur, pourquoi pas d’ailleurs dans un format Boxing Day de fin d’année.
Une proposition qui servirait les intérêts du PSG et de Lyon et ne fâcherait pas ceux de Noël Le Graët
Le début avancé de la saison renforcerait également les chances européennes du PSG et de Lyon qui retrouveraient ainsi le rythme de la compétition avant la poursuite de leurs aventures européennes à partir de la deuxième semaine d’août.
Enfin c’est un calendrier qui collerait avec les objectifs mêmes du narcissique président de la FFF, Noël Le Graët, qui milite depuis de nombreuses semaines pour une reprise estivale du football avec la finale de SA Coupe de France fin juillet dans un Stade de France rempli.
Des obstacles financiers et moraux surmontables
Bien entendu, les clubs de Ligue 1 ne verront pas d’un œil aussi bienveillant cette proposition. Plus que la problématique des 4 journées additionnelles à disputer, balayée par le nouveau calendrier proposé et par la disparition de la Coupe de la Ligue, c’est davantage le partage de la future manne des droits TV qui doit probablement les inquiéter. Le préjudice serait de l’ordre de 3 à 4 millions d’Euros par club selon l’estimation de l’économiste du sport Pierre Rondeau.
Ce montant n’apparaît toutefois pas comme insurmontable pour les finances des clubs de Ligue 1, dont la moitié présente des budgets dépassant 70M€ par an. Bien entendu des clubs comme Nîmes, Brest, Angers ou Dijon seraient plus impactés, mais on peut tout à fait imaginer une redistribution des 2 clubs repêchés pour limiter les impacts chez les plus fragilisés.
De plus, la LFP, si habile pour faire monter les enchères lors des appels d’offre pour les diffuseurs, pourrait même dénicher quelques revenus additionnels en monétisant au plus offrant ces 38 rencontres en sus.
Des maintiens chanceux : oui, infondés : non
Certains spécialistes s’offusqueront, eux, du maintien obtenu par les Amiénois et les Toulousains. Amiens n’a pas gagné un match en Ligue 1 depuis novembre dernier, et Toulouse reste sur une désastreuse série de 17 défaites en 18 matches.
Mais sportivement les Picards, à 10 journées de la fin, pouvaient encore légitimement croire au maintien, n’étant distancés que de 4 points par le barragiste nîmois alors que 30 points restaient en jeu et que le calendrier des rencontres à disputer ne leur était pas défavorable.
Quant aux Toulousains, qui seraient incroyablement vernis dans cette histoire tant leur espérance de rester en L1 était des plus mince, leur maintien ne serait au final pas plus injustifié que celui obtenu par le richissime Stade Français, lanterne rouge du Top 14, ou que ceux validés pour les derniers de la classe en Jeep Elite de basket ou en Lidl Starligue de handball.
Enfin, les plus puritains trouveront qu’une formule à 22 clubs serait cruelle pour les clubs qui ont acquis leur maintien sur le terrain et non devant les tribunaux, et qui devront l’an prochain disputer une compétition avec 4 relégations automatiques au lieu de 2. Mais ce serait un scénario qui ne serait pas inédit dans l’histoire du football français puisque à l’issue de la saison 1996-1997 4 clubs avaient été relégués pour entériner le passage de la Division 1 de 20 à 18 clubs. Et une saison avec 4 relégations ravirait les amateurs de sensations fortes !
La décision du Conseil d’Etat de suspendre la relégation d’Amiens et de Toulouse n’est pas neutre. Il s’agit de la cour administrative suprême, ses ordonnances ne sont donc pas à prendre à la légère. La LFP se voit donner une chance de rétablir de la solidarité dans un milieu du football professionnel gangrené par les initiatives égoïstes et écorné par les dérives économiques. A elle de la saisir pour se montrer à la hauteur d’une société française qui a su plier à la discipline collective ce dernier trimestre.