Eliminée par la Suisse à l’issue de la séance des tirs au but et d’un scenario fou, l’Equipe de France est passée à côté de son Euro. Sans identité de jeu et avec des leaders défaillants, les Bleus et leur sélectionneur sont tombés de haut.
Un schéma tactique illisible
Les tâtonnements de Deschamps
C’était une des principales interrogations qui se posaient à l’annonce du retour en sélection de Karim Benzema et à laquelle on n’a malheureusement eu aucune réponse durant cet Euro. Le schéma tactique de l’Equipe de France est en effet demeuré illisible tant Didier Deschamps a tâtonné sans jamais trouvé la martingale.
Face à la Suisse, les Bleus ont ainsi délaissé leur habituel 4-3-3 pour débuter à la surprise générale en 3-5-2, puis ont évolué en 4-4-2 losange en cours de première mi-temps avant de s’établir en 4-4-2 à plat au retour des vestiaires… ouille cela fait beaucoup d’atermoiements pour un sélectionneur habituellement habile stratège.
Et c’est dans ce dispositif, avec quatre éléments offensifs enfin alignés ensemble, que les Tricolores ont livré une demi-heure magnifique avec des combinaisons au cœur de la défense suisse qui ont emmené le doublé de Benzema (57è, 59è) et une menace permanente devant le but helvète qui a libéré des espaces pour des frappes en dehors de la surface comme sur la superbe réalisation de Pogba (75è).
Mais alors pourquoi ne pas avoir débuté le match dans ce dispositif ? C’est la question que l’on pose au sélectionneur.
Deschamps n’a pas suivi la voie victorieuse de Lemerre
Le choix de Didier Deschamps de privilégier une défense à 3 centraux restera un mystère d’autant que c’est un schéma avec lequel les Bleus ne sont guère familiers et qu’il induisait la titularisation de Clément Lenglet peu performant cette saison avec le Barça et qui n’avait pas joué la moindre minute depuis le début de rassemblement. On a vu le résultat avec une prestation catastrophique de l’ancien Nancéien, mangé sur le premier but suisse de Seferovic (15è), et une équipe de France portée disparue en première période.
Bien entendu intégrer Coman d’entrée de jeu aurait fait pencher la balance côté attaque, mais à défaut de solidité et de maîtrise (aïe cette perte de balle de Pogba à l’origine de l’égalisation suisse…), commencer en 4-4-2 aurait permis de maximiser le potentiel offensif des Français et aurait mis sous pression des adversaires toujours inquiets à l’idée d’affronter les Champions du Monde en titre.
En optant pour la réassurance et une orientation défensive, le sélectionneur s’est trompé et n’a pas suivi la voie victorieuse de Roger Lemerre qui, en 2000, avait osé titulariser un joueur offensif supplémentaire par rapport à l’équipe championne du monde en 1998. Avec le succès que l’on sait.
Des faillites individuelles
On en avait eu un aperçu dès le match contre la Hongrie, cela s’est confirmé match après match beaucoup de joueurs ont été très éloignés de leur niveau de 2018 durant cet Euro. Ces défaillances ont été notamment visibles au sein d’une défense, si solide face à l’Allemagne en ouverture, qui a nettement flanché par la suite.
Varane et Pavard en grande difficulté
Auteur d’une saison en dents de scie au Real Madrid, Raphaël Varane a été très loin d’être le taulier défensif attendu. Rechignant à défendre haut et très souvent pris de vitesse par les attaquants hongrois ou suisses, l’ancien Lensois est également en retard sur la réduction du score suisse par Seferovic (81è).
A ses côtes, Prisnel Kimpembe, prenant la place laissée vacante par l’infortuné Umtiti, a apporté du muscle mais a manqué globalement de sérénité à l’image de cette intervention non maîtrisée qui a ouvert le champ à Gavranovic pour l’égalisation des Helvètes (90è).
Faute d’alternative ou de mieux (le Lyonnais Dubois est même passé du statut de doublure à celui de coiffeur en cours de compétition), Benjamin Pavard a connu un Euro très compliqué. Très léger dans le marquage, intervenant fréquemment à contre-courant comme sur le penalty concédé hier et proposant une contribution offensive quasiment nulle, le défenseur du Bayern Munich a sombré progressivement aussi bien physiquement que techniquement.
Tolisso, le pari perdu de DD
De retour d’une longue blessure et retenu in extremis pour l’Euro, Corentin Tolisso, l’habituel douzième homme des Bleus, a été très loin d’apporter les garanties suffisantes pour proposer une alternance au duo Kanté-Pogba. Son match raté contre le Portugal a affiché ses limites physiques actuelles et questionné la pertinence de sa sélection aux dépens d’un Tanguy Ndombele, plus affûté et plus à même de soulager les milieux français. Faute de solution, le sélectionneur s’est tourné vers Moussa Sissoko pour une version vintage de 2016…
Mbappé, un Euro à zéro but
Enfin le constat est cruel pour Kylian Mbappé tant il fut longtemps l’élément offensif le plus dangereux, décisif sur 4 des 7 réalisations bleues Mais plutôt que son tir au but stoppé par le portier suisse Sommer, on retiendra que l’attaquant parisien quitte la compétition avec 0 but inscrit en 4 rencontres, soit un bien triste bilan pour le meilleur attaquant français de ces deux dernières années qui sait pertinemment que l’on attend des grands joueurs qu’ils soient décisifs lors des grands matches.
Maintenant ce tournoi raté, place à la Coupe du Monde qui arrive dès l’an prochain suite au report de l’Euro. Avec ce timing serré et vu que les qualifications ont déjà démarré, on imagine mal Noël Le Graët se séparer de Didier Deschamps, même si la candidature d’un Zinedine Zidane libre de contrat devra être étudiée. S’il est maintenu dans ses fonctions, le Basque devra réaliser un inventaire de cet Euro raté et pointer les chantiers déficitaires. Il y a du boulot…
On en reparlera très vite. See U.
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