Quatre mois après la faillite de Mediapro, la Ligue de football professionnel et Canal+ ont fini par trouver un accord pour la diffusion de la fin de la saison. La Ligue 1 respire, mais son horizon est loin d’être dégagé. Le Top 14 perd, lui, son prime time sans avoir démérité.

Les matches pour Canal, l’argent frais pour la Ligue

Le ciel bien assombri de la Ligue 1 a connu une éclaircie jeudi avec l’annonce d’un accord entre la LFP et Canal+ portant sur la fin de la saison 2021, et permettant à la chaîne cryptée de récupérer la diffusion des championnats de Ligue 1 et Ligue 2 jusqu’en juin prochain.
A l’agonie financièrement, les clubs de l’élite vont pouvoir souffler un coup en recevant le règlement immédiat des 200M€ que Canal a convenus de verser pour obtenir l’exclusivité des droits à compter de la 25ème journée. Le montant de 200M€ correspond aux 3 dernières échéances pour les 2 matches déjà diffusés par la chaîne cryptée (samedi 21h et dimanche 17h) soit 165M€, plus 35M€ pour les 8 autres rencontres proposées jusqu’alors par Téléfoot (dont l’affiche du dimanche soir à 21h).

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A court terme, c’est un ouf de soulagement que poussent les acteurs du football français. Les clubs vont pouvoir retrouver de la trésorerie alors que leurs finances étaient exsangues. La Ligue 1 va, elle, récupérer de la visibilité pour contrecarrer des audiences devenues faméliques et pourra prétendre redevenir le feuilleton passionnant que laisse augurer la lutte pour le titre entre Lille, Lyon et le PSG. Enfin, bien entendu, Canal+ retrouve sa place de partenaire privilégié de la LFP et offrira à nouveau la totalité des rencontres à ses abonnés. On peut néanmoins présumer que Canal sous-licenciera certains de ses droits à beIN Sports, notamment pour la Ligue 2.

Le classico OM-PSG sera diffusé dimanche soir sur Canal +
Le classico OM-PSG sera diffusé dimanche soir sur Canal + ©AFP – Bertrand GUAY

Le football français n’est pas sorti de l’auberge

Une perte de revenus de 500 Millions d’Euros

L’horizon est toutefois loin d’être dégagé pour le football professionnel français. Les clubs s’attendaient à recevoir 1.2 Milliard d’Euros pour la saison actuelle, ils devront se contenter de 700 Millions. La perte est considérable, et, on le sait déjà, ne pourra être compensée par les revenus engrangés sur un marché des transferts également touché par la crise du Covid (le montant des transactions du dernier mercato hivernal a diminué de 75% par rapport à janvier 2020).

Les clubs vont devoir se réinventer pour définir un nouveau modèle plus vertueux. Aveuglés par la manne de Mediapro et par l’inflation galopante des transactions de joueurs réalisées notamment avec les clubs anglais, les dirigeants se sont fourvoyés dans une course à l’armement illustrée par la hausse continue des salaires et par les commissions toujours plus élevées versées aux agents.

A la recherche d’un modèle plus vertueux

Cette nouvelle précarité économique peut cependant devenir une opportunité pour les clubs, car l’austérité va les obliger à se tourner davantage vers la formation. Ils seront par conséquent encouragés à privilégier l’accompagnement de leurs jeunes joueurs vers les équipes fanions, plutôt que de les proposer aux plus offrants à peine leur majorité atteinte.
Le FC Nantes était ainsi dans une situation financière critique au début des années 90, les Canaris se sont alors tournés massivement vers leur centre de formation pour composer l’effectif professionnel. Et on a pu assister à l’éclosion de la bande des Makélélé, Karembeu, Pedros, Loko, Ouédec avec la réussite que l’on sait.

Le FC Nantes, en grave difficulté financière au début des années 1990, avait su se tourner avec succès vers sa formation pour retrouver les sommets
Le FC Nantes, en grave difficulté financière au début des années 1990, avait su se tourner avec succès vers sa formation pour retrouver les sommets

En parallèle, pour assainir les finances des clubs, on reparlera probablement dans les prochaines semaines de salary cap, de la limitation du nombre de joueurs sous contrat voire d’un retour d’une Ligue 1 à 18 clubs.

Prudence pour le prochain appel d’offres

Enfin, les clubs seront bien sûr attentifs à l’appel d’offre portant sur les exercices suivants (2021-2025) suite à la défection de Mediapro. Face à la position opportuniste de Canal qui a bien l’intention de compter ses sous, ils espèrent encore que l’arrivée annoncée de nouveaux acteurs comme Amazon (déjà détenteur de droits en Angleterre, Allemagne et Italie), Discovery (propriétaire de Eurosport) et DAZN (le « Netflix du sport ») permette aux enchères de s’envoler.
Espérons que cette fois-ci la sagesse les accompagne pour éviter de nouvelles dérives qui leur seraient fatales.

Le rugby, grand perdant de l’histoire

La Ligue 1 retrouvera donc les écrans de Canal+ le dimanche soir. Les footeux jubilent, mais la pilule sera plus dure à digérer pour les amateurs de rugby, habitués cette saison à suivre le Top 14 en prime time en clôture du week-end.
Depuis la rentrée, le ballon ovale avait récupéré la case horaire du football, avec un certain succès puisque que le spectacle a souvent été au rendez-vous, comme lors des rencontres Clermont-Toulouse, Racing-Toulon ou Toulouse-Stade Français, et les audiences enregistrées (600 000 téléspectateurs) ont dépassé celles du foot sur Mediapro.

Clermont et le Stade Toulousain avaient offert un superbe spectacle aux téléspectateurs de Canal + en ouverture du Top 14
Clermont et le Stade Toulousain avaient offert un superbe spectacle aux téléspectateurs de Canal + en ouverture du Top 14 ©AFP – Thierry Zoccolan

Beau joueur le Top 14 va devoir à présent s’effacer pour céder la vedette à la Ligue 1, mais il aura réussi un intérim probant et confirmé le retour au premier plan du rugby tricolore à deux ans de la Coupe du Monde organisée en France en 2023.