Samedi l’Olympique Lyonnais va défier à Lisbonne les Citizens du cultissime Pep Guardiola pour rejoindre le PSG dans le dernier carré de cet étonnant final 8 de la Ligue des Champions. Combat déséquilibré de prime abord qui apparaît comme l’épilogue, ou plutôt le prologue, d’une saison footballistique historique et incongrue.
Lyon, un modèle unique dans l’Hexagone
Bien mal orienté à l’issue d’une saison de Ligue 1 tronquée terminée à la 7ème place, le karma du club du Président Aulas pourrait augurer d’une issue inattendue et euphorisante tant les péripéties et embûches ont rendu les dernières saisons des Gones tour à tour poussives, irritantes, malchanceuses, ambitieuses, mais terriblement attachantes.
En effet seul contre tous ou plutôt seul devant tous pourrait être la devise de l’OL.
Club atypique des années 90 et 2000 il s’est forgé, avant les autres et dans le sillage de l’OM de Bernard Tapie, un destin de première entreprise capitalistique du football français, novateur dans le sponsoring, dans l’introduction en Bourse, dans l’ouverture à l’international, jusque dans la construction d’un stade bâti avec des capitaux propres pour conserver la maîtrise de son destin.
Bien sûr, depuis bientôt une décennie, le PSG sous l’ère qatarie a pris toute la lumière et raflé toutes les récompenses au niveau national, mais son mode de développement et l’origine de ses capitaux en font un modèle bien plus globalisé et versatile que la structure lyonnaise totalement ancrée dans son terroir, dans son « Terreaux », ai-je envie d’écrire…
Intimement liée à la trajectoire de son président emblématique Jean-Michel Aulas, la destinée du club lyonnais a longtemps séduit, puis exaspéré par sa domination sans partage, avant d’être marginalisée par l’avènement du PSG et de n’être plus assimilée qu’aux facéties de son dirigeant devenu le véritable poil à gratter du football français.
Une formation sans égale
Inventant un modèle de développement et de croissance unique l’OL est en train de devenir ce que tout club devrait aspirer à être : une pyramide construite sur des infrastructures pérennes, profondément attachée à son territoire avec des industriels locaux et produisant par elle-même ses propres richesses par la formation de joueurs de grande qualité.
Car le véritable trésor de guerre de l’OL c’est sa formation sans égale en France et même en Europe. De Rémi Garde, la première véritable tête de gondole de l’Académie lyonnaise, en passant par Florian Maurice, Frédéric Kanouté, Hatem Ben Arfa, Karim Benzema, Sidney Govou, Ludovic Giuly, Maxime Gonalons, Anthony Martial, Alexandre Lacazette, les Champions du Monde Samuel Umtiti, Corentin Tolisso, Nabil Fekir, jusqu’aux nouvelles pépites Houssem Aouar, Maxence Caqueret ou Rayan Cherki.
Autant d’actifs qui ont rapporté ou rapporteront des fortunes à la revente.
Autant d’achats en moins à effectuer pour compléter l’équipe chaque saison.
Le club est en train de réaliser cet improbable grand écart que définissait parfaitement le sociologue John MacAloon à propos de l’olympisme : « Au XXI ème siècle, l’homme devra être à la fois citoyen du monde et pour son équilibre, sentimentalement parlant, citoyen de son clocher ».
Aulas, président d’une vision avant-gardiste
Néanmoins cet OL là, qui aurait tout pour réussir, ressent une grande frustration d’être devenu un faire-valoir du clinquant PSG, une sorte de cycliste doué mais incapable de rivaliser avec le survitaminé club de la Capitale.
Pour se démarquer il se lance avec panache dans une série d’offensives dans le sillage de son chevalier blanc Jean-Michel Aulas qui veut prouver constamment qu’il a raison avant tout le monde.
Sur le fair-play financier ou sur l’arrêt du championnat suite au COVID-19, il défend toujours des positions avant-gardistes qui peuvent irriter mais témoignent d’une constance certaine et d’une vision à long terme des enjeux du football français.
Contesté en externe par beaucoup d’observateurs, contesté en interne par certains de ses propres supporters, on rappellera les comportements plus que limites à l’encontre de Bruno Genesio et même de Rudi Garcia à son arrivée, l’OL du Président Aulas s’est habitué à lutter en se forgeant une carapace qui peut le mener loin, très loin, dans une saison tellement atypique et hors normes.
Et si c’était le grand soir pour l’OL ?
Véritable outsider de ce final 8, Lyon arrive à Lisbonne avec le plein de confiance engrangé ces dernières semaines.
On le donnait broyé par l’armada parisienne en finale de Coupe de la Ligue et il a parfaitement résisté.
On le pensait facilement éliminé par la Juventus et il s’est qualifié à la force du poignet.
On se gargarisait de le voir exclu de toute compétition européenne cette saison et il est encore en vie…
On le voit pareillement étrillé par le flamboyant Manchester City, mais qui sait ?
Pour triompher dans un tel contexte à Lisbonne, il faudra non seulement avoir du talent, et à ce niveau d’excellence là tout le monde en a, mais aussi avoir du caractère, de la motivation, de la hargne, de la rage…
Oui de la rage, celle d’envoyer bouler une fois pour toutes tous les préjugés, toutes les critiques, toutes les sourires polis ou les moqueries.
La rage de ceux qui n’ont rien gagné cette saison et qui vont débarquer comme des morts de faim dans des stades vides, observés par des gens masqués.
Et c’est là qu’il faudra démontrer du caractère et rester debout, croire en son étoile et que plus rien ne peut vous arriver.
Ceux qui n’ont plus grand chose à perdre n’ont plus peur de mourir, plus peur d’être remontés, d’être éliminés, d’être ridiculisés…
Quelle que soit l’issue de son quart de finale l’OL ne se verra rien reprocher tant personne ne l’attendait. Et un club n’est jamais aussi dangereux que dans une telle adversité.
Et si pour l’OL Lisbonne était le grand soir ?
Si ce soir il n’avait pas envie de rentrer sans la coupe aux grandes oreilles,
Si ce soir il n’avait pas envie de rentrer chez lui prématurément
Si ce soir il n’avait pas envie de fermer sa gueule
Si ce soir il avait juste envie de se casser la voix ?
Photo Une Manchester City-Lyon Ligue des Champions 2018©AFP-Oli SCARFF